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lignes de l’ennemi. La dernière victoire éclatante de la vieille monarchie fut aussi leur dernier fait d’armes; ce furent elles qui à Fontenoy se jetèrent dans la brèche ouverte par les canons de Lally et culbutèrent la grosse colonne du duc de Cumberland.

Si la maison du roi donnait à la cavalerie de ligne une réserve efficace, il manquait une cavalerie légère nationale. Louvois la trouva dans les dragons, auxquels il joignit des brigades munies d’armes rayées. Nos dragons et nos carabiniers d’aujourd’hui auraient peine à se reconnaître dans leurs ancêtres militaires. La proportion des troupes à cheval, quoique considérable encore, fut diminuée : en 1678, sur un effectif d’environ 280,000 hommes, on comptait 50,000 cavaliers et 10,000 dragons. Le rôle de l’infanterie grandissait toujours, et c’était elle surtout que Louis XIV et son ministre voulaient non-seulement augmenter, mais relever, améliorer. Le roi avait tenu à s’inscrire sur la liste des colonels; son régiment, nous l’avons dit, et celui des gardes-françaises devaient servir de modèles pour l’instruction, pour le service; ils avaient plusieurs bataillons, et leurs compagnies étaient fortes. Les circonstances ne permirent pas d’appliquer ces deux principes d’une manière générale : les régimens restèrent à un bataillon avec des compagnies assez faibles; mais ils devinrent permanens, astreints à la régularité dans l’habillement, dans l’armement surtout, qui fut fort perfectionné, quoique la grande réforme, l’adoption du fusil à baïonnette, n’ait été accomplie que plus tard. Les Suisses et les Allemands formaient environ le tiers de l’infanterie ; mais les premiers étaient en quelque sorte incorporés dans nos rangs depuis près de deux siècles, et les seconds, habitans pour la plupart des provinces rhénanes, avaient en France les droits de régnicoles. Sauf quelques privilèges insignifians et peu choquans alors, ni les régimens étrangers, ni même ceux du roi, des princes et des gardes, n’étaient distingués des autres corps; ils avaient les mêmes devoirs, obéissaient aux mêmes généraux. La véritable élite de l’infanterie restait dans les régimens : à la droite de chaque bataillon, on plaça les soldats les plus braves, les plus robustes, sous les ordres d’un officier de fortune; on leur mit sur l’épaule ce morceau de laine rouge illustré depuis par tant d’actions, et qu’ils portent encore aujourd’hui ; nous avions nos grenadiers.

La règle était la même pour tous, et l’action du ministre s’étendait à tous les détails de la vie intérieure des régimens. L’état n’en était pas encore arrivé à tout faire directement. Les chefs de corps conservaient toujours cette responsabilité qui les faisait ressembler à des entrepreneurs; mais on les soumettait à une surveillance si étroite que les bénéfices n’étaient plus possibles, et que pour les pauvres ou les négligens la ruine était à peu près certaine : aussi se