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catholiques apprennent au monde la condamnation de leurs adversaires, ceux-ci, usurpant dans leur défaite l’autorité du concile, trompent les fidèles sur les résultats de la lutte, et dans une sorte d’appel au peuple chrétien ne se font point scrupule de dire que saint Athanase et ses collègues sont des « scélérats aux sentimens impies, aux mœurs honteuses. » La confusion se répand partout; l’autorité impériale, déconcertée par ces désordres d’un genre nouveau, prend parti pour l’une ou l’autre église, protège celle-ci, opprime celle-là, et quelquefois fatiguée, incertaine, assiste indifférente à ce vaste conflit d’opinions et trouve son abaissement dans son impuissance. Le pieux Constantin lui-même, au moment où les disputes commençaient, déplorait déjà « cette détestable division, cette haine et cette discorde qui tendent à la ruine du genre humain..., et qui donnent occasion de railler à ceux dont les sentimens sont éloignés de la sainte religion. » Que ne vit-on pas plus tard sous ses fils quand l’Orient et l’Occident furent en feu, quand la capitale, les grandes villes, les provinces éloignées, se livrèrent à tous les emportemens d’une intolérance sanglante! Quelle joie pour les païens spectateurs impassibles de ces luttes fratricides ! et que ne devaient-ils pas dire quand saint Athanase s’écriait : « Les bêtes féroces ne sont pas plus ennemies des hommes que les chrétiens ne le sont souvent les uns des autres ! » Les païens éprouvaient les sentimens qu’éprouvent aujourd’hui les Turcs de Jérusalem, qui contemplent avec un mépris sublime et un contentement superbe les mutuels outrages que se font les diverses communions chrétiennes dans l’église du Saint-Sépulcre.

Tandis que ces affreuses discordes déconsidéraient le pouvoir politique désarmé, tour à tour clément et rigoureux, mal préparé à remplir des devoirs nouveaux, qu’elles enlevaient tout prestige à l’autorité ecclésiastique et risquaient d’entraîner dans la même ruine l’église et l’empire, il se déchaîna sur le monde un fléau moins terrible, mais plus intolérable, je veux dire l’universelle manie de dogmatiser. Écoutons saint Grégoire de Na4anze. « Toutes les assemblées, tous les marchés, tous les festins sont troublés d’un bruit importun par des disputes continuelles, qui ne laissent ni la simplicité aux femmes, ni la pudeur aux vierges, dont elles font des parleuses et des disputeuses, en sorte que les fêtes ne sont plus des fêtes, mais des jours pleins de tristesse et d’ennui, où l’on ne trouve de consolation aux maux publics que dans un mal encore plus grand, qui est celui des disputes, et où enfin on ne travaille qu’à réduire la religion à une triste et fatigante sophistiquerie. » Nous regrettons que M. de Broglie n’ait pas cru devoir citer les éloquens témoignages des docteurs de l’église qui se sont faits les interprètes de ce désenchantement, de ce dégoût, et qui ont