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stance, qui se piquait d’être un théologien couronné, eut bientôt pris son parti de faire assassiner toute sa famille collatérale, oncles et cousins, dans une sorte dô massacre en règle où il n’oublia personne, excepté deux enfans en bas âge, dont l’un, Julien, dit avec raison M. de Broglie, « était tenu en réserve par la justice divine pour venger ces forfaits. » Tant de cruautés lâches ou barbares, dont la cour chrétienne donnait le spectacle de haut, pouvaient inspirer de l’horreur pour une religion qui avait de pareils défenseurs.

Que devaient aussi penser les païens à la vue de cette cour hypocrite et avide où affluaient tant de chrétiens nouveaux ? « Les faveurs des princes, dit M. de Broglie, multipliaient de jour en jour, sans grand profit pour l’église et sans grande édification pour les fidèles, le nombre des chrétiens… Paraître touché de la vérité du christianisme et ardent à s’instruire, être particulièrement accessible aux argumens de l’empereur et laisser peu à peu fléchir devant la force de ses raisons les préjugés de l’idolâtrie, ce fut bientôt pour tout bon courtisan la manière connue de se mettre en grâce ;… les honneurs et même l’argent pleuvaient sur leurs têtes, car Constantin ne dédaignait pas tout à fait ce moyen indirect de prosélytisme. » De proche en proche et de haut en bas de la hiérarchie sociale, le christianisme vainqueur fit peser sur le monde le poids des privilèges qu’il accordait à ces faux ou vrais fidèles. Jusqu’au fond des provinces les plus reculées se fit sentir cette oppression causée par les conversions intéressées. Comme les membres du clergé étaient exempts des charges municipales, fort lourdes alors, bien des gens, et des plus riches, aspirèrent à l’ordination sacerdotale. Tel fut cet entraînement où la piété avait si peu de part que, sur les réclamations des villes privées de leurs plus opulens magistrats, il fallut régler que le nombre des prêtres ne dépasserait pas dans chaque ville le chiffre fixé. Les privilèges du christianisme inquiétaient partout les citoyens et appauvrissaient l’empire, et comme de plus on avait accordé la permission de tester en faveur des corporations catholiques, il ne tarda pas à s’élever un clergé aussi riche que puissant, dont l’opulence paraissait fondée sur la misère publique. Si grand était le mal et le scandale que M. de Broglie lui-même, dans l’intérêt de la foi et des vertus chrétiennes, ne peut s’empêcher de regretter le temps des persécutions.

À l’irritation des païens se joignit bientôt le mépris, quand ils virent que cette religion qui promettait la paix était en proie aux plus bizarres dissensions intérieures, et donnait au monde le spectacle de querelles et de fureurs jusque-là inconnues. L’antiquité