Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 68.djvu/123

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les six otages de la fureur des soldats, qu’il harangua souvent, et auxquels même il remit de l’argent. Sans cesse menacés, les pauvres otages furent conduits une dernière fois, le 28 novembre, au Campo di Fiore et placés sous les fourches patibulaires. Ils ne furent détachés du gibet qu’après avoir promis de payer le lendemain à l’armée ce qu’elle leur demandait sous peine de mort[1], et ce qu’ils étaient incapables de lui donner. Ramenés au palais Colonna, ils parvinrent à s’en évader pendant la nuit à l’aide du cardinal Pompeio, qui corrompit leurs gardes ou plutôt qui sut endormir leur vigilance par un repas copieux et prolongé[2].

Deux jours avant cette scène menaçante et cette heureuse évasion, l’accord avait été conclu entre le pape et l’empereur. Les articles en avaient été arrêtés dans la nuit du 26 novembre après bien des tentatives inutiles de la part des envoyés de Charles-Quint et de douloureuses hésitations de la part de Clément VII. Par cette nouvelle capitulation, que signèrent le souverain pontife, les treize cardinaux prisonniers, le général des franciscains, le marquis del Guasto, don Fernand de Gonzague, le mestre-de-camp espagnol Juan de Urbina, les délégués de l’armée impériale, et que ratifia le vice-roi de Naples Ugo de Moncada, il avait été convenu que le pape donnerait immédiatement 73,169 écus pour être mis en liberté, et achèverait de payer la somme totale de 368,153 écus dans les trois mois qui suivraient ; qu’il concéderait à l’empereur, dont il ne serait jamais plus l’adversaire en Italie, la levée d’une crusade en Espagne, et la vente dans le royaume de Naples de décimes ecclésiastiques évalués à 500,000 ducats, sur lesquels 250,000 reviendraient à Clément VII et serviraient à son acquittement[3] ; qu’il laisserait entre les mains des impériaux Ostie, Civita-Vecchia, Civita-Castellana, comme gages de l’observation de ses engagemens ; qu’il remettrait de plus en otages de sa fidélité à les remplir les cinq cardinaux Trivulzi, Pisani, Gadi, Ursino, Cesi, dont les trois premiers furent conduits au nom de l’empereur dans le château neuf de Naples, et les deux derniers furent menés pour le compte de l’armée par le cardinal Colonna dans son agréable abbaye de Grotta-Ferrata[4]. Après avoir donné des sûretés pour l’argent qui ne pouvait pas être payé tout de suite, le pape devait être mis en

  1. « Oy que son XXVIII sacaron los obstages de casa del carl Coluna y los llevaron encadénados como estan, â la plaça de Campo de Flor y los puiseron junto con la horca, y porque los bolviesen a casa del cardinal les prometieron que mañana en todo el dia serian pagados y asi los bolvieron. » — Dépêche de Perez à l’empereur, écrite de Rome le 30 nov, 1527. Mss. Bethune, vol. 8547, f° 4, sqq.
  2. Dépêche de Perez à l’empereur, du 6 décembre 1527. — Ibid, f° 18. — Paol. Giovio, Vita di Pompeio Colonna.
  3. Dépècbe de Perez à l’empereur, du 30 novembre 1527. — Ibid., f° 4 et sqq.
  4. Paol. Giovio, Vita di Pompeio Colonna. — Guicciardini, lib. XVIII.