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proposa d’épouser lui-même la princesse de Galles sa fille[1]. Wolsey, dont il feignit de prendre et de vouloir suivre en tout les conseils, l’en dissuada. — Si ce mariage est conclu, dit-il au roi, comment vos enfans vous seront-ils rendus et comment sera-t-il possible d’arriver à la paix avec l’empereur ? — En faisant la guerre partout, répondit le roi, une guerre vive en Italie et en Flandre. — Mais, sire, répliqua Wolsey, le moyen est douteux. Après que vous aurez bien fait la guerre, à la fin l’empereur ayant toujours vos enfans entre les mains, votre altesse sera obligée, nonobstant la guerre, d’offrir des conditions raisonnables pour leur rachat[2]. — François Ier se rendit sans peine à ces raisons. Il comprenait très bien qu’il offenserait irrémissiblement l’empereur, s’il rompait par une autre union le mariage qu’il avait contracté à Madrid avec la reine Éléonore sa sœur, et que toute espérance de réconciliation serait à jamais perdue. Il fut donc convenu que la princesse Marie épouserait le duc d’Orléans lorsqu’ils auraient atteint l’un et l’autre l’âge de puberté.

Il fut convenu de plus, après de longues délibérations du conseil secret, que le roi de France ne renoncerait pas perpétuellement au duché de Milan, qui serait toutefois revendiqué pour le duc Sforza ; qu’il ne fournirait pas à Charles-Quint le subside onéreux et humiliant que Charles-Quint avait exigé par le traité de Madrid lorsqu’il irait prendre la couronne impériale en Italie ; que les Vénitiens seraient compris dans le traité de paix[3]. Il fut aussi décidé que durant la captivité du pape les deux rois n’adhéreraient pas à la convocation d’un concile général, et n’admettraient aucune bulle pontificale dérogatoire aux droits de leurs couronnes et de leurs sujets ; que les deux églises de France et d’Angleterre seraient administrées par leurs propres évêques et que les jugemens portés par Wolsey en sa cour d’archevêque et de légat seraient mis à exécution nonobstant toute prohibition papale[4], quelles que fussent la prééminence et l’autorité des personnes jugées[5]. Toutes ces précautions étaient inspirées par la crainte que Clément VII, dans sa faiblesse, ne cédât sur ces divers points aux demandes qui lui seraient violemment adressées au nom de l’empereur dans le château Saint-Ange ou imposées par l’empereur lui-même, s’il parvenait à l’attirer en Espagne ; elles étaient prises également pour faciliter le

  1. Lettre de Wolsey à Henri VIII. — State Papers, t. Ier, p. 236 et 237.
  2. Ibid., p. 245 et 246.
  3. Ibid.
  4. State, Papers, 135, 253, 256 et 263. — Legrand, Histoire du divorce de Henri VIII et de Catherine d’Aragon, t. Ier, p. 54.
  5. « Et contra quoscumque infra terminos legationis suæ constitutos, quacumque preeminentia, dignitate et autoritate præfulgeant. » Dumont, t. IV, par. I, p. 495.