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général de Henri VIII, il fut traité comme aurait pu l’être le roi; légat de Clément VII, il agit comme aurait pu le faire le pape. Il s’achemina ensuite vers Amiens avec une lenteur majestueuse. Son train et son cortège occupaient près d’un mille sur la route[1]. A partir de Guines et de Hammes, les derniers points du territoire français encore possédés par les Anglais, il fut reçu avec les plus grands honneurs dans toutes les villes. Les maires et les échevins, les capitaines avec leurs hommes d’armes, les arbalétriers et les hallebardiers avec leurs bannières, les gens d’église et les religieux des monastères en procession allaient à sa rencontre. On le haranguait, on tirait le canon à son passage, et François Ier, qui n’avait rien oublié de ce qui pouvait le gagner le mieux en le flattant le plus, lui avait accordé le droit royal de faire grâce aux criminels dans tous les lieux qu’il traversait[2]. Le cardinal d’York arriva le 4 août à Amiens, où le roi, sa mère la régente, sa sœur Marguerite de Valois, devenue reine de Navarre par son récent mariage avec Henri d’Albret, et toute la cour de France étaient depuis la veille. Lorsque Wolsey fut à un mille et demi de la ville, il vit venir à lui François Ier, élégamment monté sur un genet gris. Le roi portait un habillement de velours ouvert en plusieurs endroits avec des crevés de satin blanc; il avait autour de lui le roi de Navarre, le cardinal de Bourbon, le duc de Vendôme, son frère François de Bourbon, comte de Saint-Pol, le grand-maître Anne de Montmorency, le sénéchal de Normandie, plusieurs archevêques et évêques et bon nombre de seigneurs et de prélats. Il s’avança gracieusement vers lui, tenant son bonnet à la main, et l’embrassa de la manière la plus cordiale. Il lui présenta ensuite tous les personnages de sa cour, comme il les aurait présentés à Henri VIII lui-même, et il l’accompagna à travers les rues pleines d’une population curieuse et joyeuse jusqu’à l’hôtel qu’il devait habiter[3]. Le même jour, la régente, que Wolsey alla visiter, lui exprima sa vive gratitude et le combla de ses adroites adulations. Ce brillant accueil et les soins déférens dont il fut l’objet soit à Amiens, soit à Compiègne, où François Ier le conduisit et l’amusa après les conférences d’Amiens, enivrèrent de joie le vain et puissant cardinal.

Les négociations commencèrent aussitôt. Les points principaux en furent débattus entre le roi, la duchesse d’Angoulême et le cardinal d’York. François Ier, sans doute pour mieux plaire à Henri VIII,

  1. Hall’s Chronicle, the XIX yere of king Henry the VIII, p. 728 et 729. — The Life of cardinal Wolsey, by George Cavendish his gentleman Usher, p. 86 à 103.
  2. Wolsey à Henri VIII. — State Vapers, t. Ier, p. 223.
  3. Lettre de Wolsey à Henri VIII. — Ibid., p. 236 et 237.