Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 68.djvu/1046

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de sir Robert Peel ne nous autorise point, par exemple, à espérer que l’Angleterre ferait de grands efforts pour s’opposer à des prétentions déraisonnables de la Prusse. La presse officielle de Russie apporte dans ses conseils pacifiques un ton marqué d’ironie ; elle exprime l’espoir que le gouvernement français contiendra les aspirations belliqueuses du pays ; la presse allemande, quand elle affecte la modération, feint de croire, elle aussi, que c’est l’opposition en France qui pousse aux entreprises guerrières. Ces jugemens railleurs des dispositions de la France sont d’une fausseté ridicule. La France est attristée sans doute des effets de la guerre de 1866, et son chagrin est d’autant plus poignant que cette guerre a fait violence à ses sentimens pacifiques, exprimés avant l’événement avec la plus honnête et la plus ardente énergie. Ce n’est point à un entraînement de l’opinion publique française qu’on pourrait attribuer apparemment les embarras et les conséquences de la question du Luxembourg. Qui a jamais songé dans le public politique français soit à obtenir le grand-duché, soit à y trouver le motif d’un conflit avec la Prusse ? L’opinion libérale en France, quelque sensible qu’elle soit aux offenses que pourrait subir l’honneur du pays, n’exprimerait qu’un vœu, si nos grands corps politiques avaient assez le sentiment de leur responsabilité pour oser lui servir d’organe : elle voudrait que la question du Luxembourg fût résolue par une combinaison qui dégageât l’amour-propre de la Prusse et la dignité de la France ; elle voudrait voir son gouvernement renoncer à la pensée d’acquérir le Luxembourg et la cour de Berlin retirer ses troupes de la forteresse ; elle voudrait qu’il fût possible à l’Angleterre et à la France, franchement associées dans le même effort, d’obtenir la réunion du grand-duché à la Belgique et de couvrir d’une garantie commune l’existence indépendante du royaume belge et du royaume hollandais, ces deux moitiés d’un état qu’on a si souvent voulu former et qui ne s’est jamais pu fonder, les Pays-Bas.

On dirait qu’en France, dans la politique intérieure comme dans la politique extérieure, l’importance des choses est supérieure au mérite et à la capacité des hommes. Nous coudoyons dans la vie intérieure du pays des questions qui ne sont ni moins vastes ni moins graves que les difficultés que nous présente la politique étrangère ; nous passons cependant auprès d’elles avec une inattention qu’on trouvera peut-être un jour impardonnable. Du nombre de ces questions est sans contredit le système financier à l’aide duquel on conduit les gigantesques travaux de la ville de Paris. Un coin du voile a été levé sur ce système et ces travaux dans la discussion de la loi municipale au corps législatif. MM. Picard, Jules Favre et Berryer ont à cette occasion signalé avec une grande précision et une intelligente énergie les périlleuses incohérences au point de vue légal et au point de vue économique de ce qu’on pourrait appeler la politique industrielle et financière de la ville de Paris. Dans cette intéressante étude, on n’est point aidé par les informations officielles qui seraient nécessaires : rien de moins