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rait obtenir l’agrément préalable du roi de Prusse. Il est difficile de comprendre que le roi de Hollande ait pu commettre une pareille méprise et renverser ainsi les rôles, sans être assuré d’avance du succès. L’expédient, ce nous semble, n’eût été admissible et utile que s’il eût été suggéré ou accepté par M. de Bismark lui-même, voulant éviter des froissemens d’amour-propre dans un contact direct entre la France et la Prusse. Le plus simple bon sens indiquait donc qu’avant de tenter la démarche, il fallait s’assurer des dispositions de la cour de Berlin. L’événement prouve qu’on a manqué à cette précaution essentielle, ou que du moins le roi de Hollande a tout gâté par une communication inopportune. De là la déconvenue dont M. de Bismark avec ses interpellations a fait un éclat à notre détriment. Si la France se fût adressée directement à Berlin, elle eût été moins facilement et moins brusquement éconduite que le roi de Hollande.

Cependant le refus de M. de Bismark est retombé si publiquement sur nous que nous avons été obligés d’entrer franchement en scène. La question du Luxembourg est définitivement posée et prise en main par la France. Le fond de cette question est bien la nécessité de l’évacuation par la Prusse de la forteresse de Luxembourg. Par quels biais arrivera-t-on à ce résultat ? Il serait oiseux d’en faire ici la recherche. La communication de M. de Moustier au corps législatif et au sénat nous a appris que les grandes puissances qui ont concouru aux arrangemens de 1839 sont invitées par la France à prendre en considération la situation du Luxembourg. Il est profondément regrettable qu’un pareil problème s’impose aux délibérations européennes dans un temps où les combinaisons d’alliances sont devenues si délicates et où manque la protection pacifique d’un droit public reconnu de tous. Il nous paraît cependant difficile que les grandes puissances, malgré la diversité de leurs préoccupations et l’influence énervante de leurs mutuelles défiances, se refusent à l’appréciation de l’intérêt d’ordre européen aujourd’hui soumis à leur examen. Au fait, il ne s’agit point ici, du moins pour la France, de prétentions ambitieuses. L’acquisition du Luxembourg ne saurait être l’objet poursuivi par la politique française. Ce qui est en jeu, c’est le rétablissement de la sécurité et de la jouissance paisible de l’indépendance pour les petits peuples et les petits états. La justice dans cette cause apporte sa sanction aux intérêts. La protection des petits états est si bien la politique naturelle de la France que la force des choses nous y ramène inévitablement au moment où le fatalisme découragé proclamait l’ère des grandes agglomérations. Nous élevons aujourd’hui une réclamation en faveur de la Hollande, qu’il faut décharger d’une série de rapports litigieux avec une puissance entraînée par un mouvement d’agrandissement qui ne semble point encore près de trouver sa limite. Nous mériterions dans une telle entreprise le concours moral des gouvernemens sages de l’Europe. Nous ne nous faisons point illusion sur l’efficacité de ce concours ; la réponse de lord Stanley à l’interpellation