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Légale dans la société civile. Elle rentre dans son domaine spirituel, où en échange d’une situation perdue elle retrouve la liberté de son ministère moral. Le pape est libre de choisir les évêques, de communiquer avec eux, comme les évêques sont libres de choisir leurs prêtres, comme les fidèles sont libres dans le concours volontaire par lequel l’église se soutient. Une des plus singulières erreurs, est de croire que « l’unité italienne et le régime constitutionnel » vont être mis tout à coup en péril par cette liberté religieuse, par l’abandon de certains droits de l’état devenus en vérité fort illusoires. L’état n’est point à coup sûr très solidement garant par l’appel comme d’abus dont s’honorent quelquefois ceux qui en sont atteints, et on peut se demander à quoi sert le droit d’empêcher la circulation d’une bulle du pape, de viser, de donner un placet à un acte ecclésiastique quelconque, dans un temps où la presse s’empare de tout, répand tout principalement ce qui est défendu, lorsqu’elle le peut. Et quant aux excès politiques que le clergé peut commettre, quant à ses conspirations et à ses révoltes contre l’état et les institutions, ce sont tout simplement des délits ordinaires qui relèvent de la loi commune, que la justice réprime venant du clergé comme du dernier citoyen. La liberté du prêtre n’est pas une liberté illimitée et privilégiée ; c’est la liberté de tout le monde.

En définitive, dans ces conditions, qu’est-ce que l’église ? C’est un grand pouvoir moral ayant de tous côtés pour limites la loi, l’indépendance de la société civile, le droit commun. Que sont les communautés religieuses elles-mêmes ? Ce sont des associations volontaires comme toutes les autres associations, n’ayant pas un privilège de plus et n’ayant pas un droit de moins. Le parlement italien les a supprimées l’an dernier comme corporations jouissant de la personnalité civile et gardant une parcelle de la puissance publique. Elles peuvent incontestablement revivre, quelques-unes du moins pourront revivre comme associations libres le jour où la séparation aura été prononcée. Et qu’on le remarque bien, ce ne sera là qu’un effet naturel, pratique, salutaire même de la liberté agissant en quelque sorte comme un réactif sur l’église, dégageant ce qui est vraiment doué de vie pour laisser tomber le reste, je ne parle plus du Mont-Cassin et de ses savans solitaires ; je veux prendre un exemple plus humble. La loi du 7 juillet 1866 supprime indistinctement tous les ordres, même les ordres de charité et de bienfaisance, même ces braves sœurs dont Cavour disait en 1855 : « La suppression des sœurs de charité serait la plus grande des erreurs ; je regarde cette institution comme une de celles, qui honorent le plus la religion, la civilisation elle-même… » Est-ce qu’il