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complet de la séparation de l’église et de l’état, et sur le point particulier de la dotation ecclésiastique il se résumait à peu près en ceci : il devait être assigné une quantité de biens meubles et immeubles suffisante pour l’entretien et la dignité de l’épiscopat, des chapitres, des églises, des séminaires, du clergé ayant charge d’âmes. Ces biens, une fois fixés, restaient soumis à toutes les taxes de droit commun ; ils ne pouvaient s’accroître qu’avec le consentement de l’état. Le gouvernement se chargeait de payer des pensions viagères aux membres des corporations religieuses dont il cessait de reconnaître la personnalité civile. — Chemin faisant, le projet s’est modifié, et, chose curieuse, sous sa forme la plus récente, il a été d’abord conçu à Rome par un religieux à l’esprit fermé et hardi ; M. Minghetti, de son côté, l’a développé l’an dernier à Florence avec autant de lucidité que de force dans une série de lettres adressées à M. Boncompagni sous le titre de Chiesa e finanza. Le dernier ministère l’a repris enfin, et lui a donné la forme de l& loi qu’il présentait il y a quelques mois au parlement. La pensée essentielle de ces divers projets, c’est toujours la combinaison de ces trois choses : une somme de 600 millions assurée à l’état, la liberté de l’église dans les limites du droit commun et la conversion des propriétés ecclésiastiques.

Pourquoi donc le dernier plan ministériel a-t-il échoué tristement, même avant d’être discuté ? Pour bien des causes peut-être, les unes palpables, les autres inavouées. A vrai dire, ce projet avait un premier défaut, qui devenait sensible dans les détails ; il paraissait trop faire acheter à l’église sa liberté au prix de 600 millions, et faire acheter à l’état les 600 millions dont il a besoin par la concession de la liberté religieuse. Il avait d’autres côtés défectueux par lesquels il différait des combinaisons de M. Minghetti autant que du plan primitif du comte de Cavour. Ainsi, là où M. Minghetti ne voulait reconnaître, comme en Amérique, que les différens établissemens religieux, paroisses, fabriques, diocèses, chacun personnellement et distinctement, le ministère reconnaissait l’église dans son ensemble, comme corporation juridique. Là où M. Minghetti prélevait les 600 millions par la voie d’une taxe extraordinaire que le clergé aurait acquittée dans un délai déterminé, le ministère proposait à l’église un contrat, une alternative. Si elle adhérait à la vente de ses biens, rien de plus simple ; si elle refusait son concours, elle était désintéressée par une rente annuelle de 50 millions, — et c’est surtout dans ce cas que l’état risquait fort d’aller au-devant d’une déception. Ce qui a tué enfin le projet ministériel, c’est que dans ses dispositions, d’ailleurs savantes et très étudiées, il laissait subsister je ne sais quelle confusion d’attributions juridiques entre la société civile et la société religieuse au moment même où il