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Sicile restait sous un régime tout spécial. Autant de provinces, autant de législations diverses. C’était évidemment une nécessité impérieuse de sortir de la confusion, de fondre toutes ces lois, de soumettre enfin l’Italie entière à un régime unique. D’un autre côté, avec ses principes de progrès civil et économique, l’Italie se trouvait en présence de tout un système de propriété immobilisée aussi contraire au droit nouveau qu’au développement du travail national et de la richesse publique. Avec des finances insuffisantes et précaires qui en étaient encore à un pénible enfantement, elle se trouvait en face de cette grande tentation des peuples en révolution, la mainmorte ecclésiastique, les biens du clergé, et la tentation était d’autant plus forte que, sans parler des besoins pressans de l’état, elle pouvait se colorer du prétexte de mettre un peu d’ordre dans cette masse de richesses ecclésiastiques fort inégalement répartie. Malgré les revenus considérables de l’église, il y avait plus de seize mille paroisses dont les prêtres n’avaient point de quoi se suffire. En Sicile, par exemple, le revenu des corporations religieuses était de plus de 8 millions contre 2 millions affectés aux paroisse. Pendant que certains évêques avaient plus de 100,000 fr. de rente, d’autres avaient 1,200 francs. A côté de diocèses où il y avait une population de plus de cent mille âmes et une dotation de 3,000 francs, il s’en trouvait d’autres où la dotation était de 40,000 francs pour une population de 16,000 âmes. C’était tout au moins l’objet d’une inévitable réforme impliquant tout à la fois le désamortissement des biens d’église et la réorganisation du patrimoine ecclésiastique, avec la chance d’en faire profiter l’état, de telle sorte que l’Italie se trouvait fatalement conduite vers cette question qui se présentait sous un double aspect, l’un politique, l’autre financier, et on pourrait même dire que dans ces derniers temps, à mesure que la détresse du trésor est devenue plus criante, c’est surtout sous la figure financière que le problème est apparu.

C’est tout simple ; malgré tous les efforts tentés jusqu’ici, l’Italie nouvelle s’est trouvée d’année en année en face d’un déficit inexorable qui s’explique naturellement par toutes les nécessités de l’enfantement improvisé d’un peuple, qu’on a comblé comme on l’a pu par toute sorte d’expédiens sans en supprimer la cause. Je ne saurais évidemment entrer ici dans le détail des finances italiennes. Un chiffre suffit. Le dernier ministre des finances, dans l’exposé qu’il faisait aux chambres il y a trois mois, en venait à constater un déficit normal, permanent, de 187 millions. A la rigueur, avec quelques réductions, difficiles, mais encore possibles, en supposant les circonstances les plus favorables, en écartant l’imprévu et l’extraordinaire, on peut ramener ce chiffre à 100 millions. Après cet