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Italie, qui provoquait récemment la dissolution de la chambre, et qui n’est point certainement étrangère à la crise d’où sort à peine aujourd’hui un nouveau cabinet.

A considérer de haut, sans parti-pris, l’ensemble et la marche des événemens en Italie, cette question devait se produire inévitablement : elle est née de la force des choses encore plus que de la volonté des hommes ; elle est la conséquence nécessaire de toute une situation qui se résume dans un double fait, — une victoire de nationalité qui trouvait en face d’elle comme dernier obstacle une puissance semi-religieuse, semi-politique, et un affranchissement de la société civile par la réalisation des principes modernes. Le mouvement naturel de la civilisation engendre fatalement de ces incompatibilités d’idées et d’institutions. Ce qui a eu sa raison d’être dans le passé ne l’a plus dans le présent, et peut même devenir une anomalie. Lorsqu’il y a plus de six ans s’élevait pour la première fois dans le parlement piémontais ce problème de la suppression des communautés religieuses, le comte de Cavour répondait victorieusement à ceux qui lui reprochaient d’être un révolutionnaire : « La nécessité nous presse… Il faut accoutumer les populations au travail et par conséquent supprimer la mendicité, et pour la supprimer il ne suffit pas de l’enregistrer comme un délit dans le code pénal, il faut que le peuple s’habitue à la regarder comme honteuse. Comment la conscience populaire s’éclairerait-elle sur ce point, lorsque tant d’établissemens regardés comme respectables et qu’il faut respecter tant qu’ils existent ont la mendicité pour raison d’être ?… Comment pourrez-vous arrêter et condamner le pauvre qui se livre à la mendicité pendant que tout à côté vous favorisez, vous comblez de privilèges les établissemens qui tiennent cette déplorable pratique en grand honneur ? » C’est la raison générale de ces luttes qui éclatent successivement partout où pénètre l’esprit moderne et à la fatalité desquelles l’Italie ne pouvait se soustraire un jour ou l’autre. Le gouvernement italien était de plus conduit en face de tous ces problèmes de l’ordre religieux par une double nécessité, par un double courant, et ici commence ce que j’appellerai le côté pratique de la question.

Politiquement, tout était confusion. Il y avait en Piémont une législation de 1855 qui avait aboli un certain nombre de corporations religieuses sans les supprimer toutes, et qui avait fait passer les biens des communautés abolies, non à l’état, comme on l’a cru souvent, mais à une caisse ecclésiastique chargée d’en affecter les revenus au service du culte. Après 1859, la loi piémontaise était étendue avec quelques modifications aux provinces napolitaines, aux Marches et à l’Ombrie ; en Toscane, au contraire, survivait une ancienne loi. La Lombardie avait aussi sa législation propre, et la