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belle, courtoise aux visiteurs, » et d’où l’on voit se déployer la vallée de l’Arno avec la mer dans le lointain ; — San-Michel in Bosco sur les coteaux qui avoisinent Bologne ; — au midi Sainte-Trinité de Cava suspendue au flanc des montagnes, au-dessus de la vallée du Selano, à quelques lieues de Salerne ; — Monte-Vergine, qui domine l’ancien pays des Samnites, d’où l’on découvre la mer de Naples battant le promontoire de Sorrente, par-dessus tout la première des abbayes, la maison du Mont-Cassin aux grands et hospitaliers souvenirs. Je ne parle pas de tous ces couvens qui environnent Rome, qui sont aujourd’hui les dernières citadelles de la vie monacale, et qui, en se confondant partout avec les ruines d’un autre temps, d’un autre monde, attestent l’incessant renouvellement des choses, comme ce couvent de capucins de Tivoli qui s’élève à la place où fut la villa d’Horace, à deux pas des chutes de l’Anio, tout près d’une manufacture construite elle-même à côté des débris de la splendide villa de Quintilius Varus. Ces maisons sont la partie monumentale du paysage, comme elles font partie de l’histoire de l’Italie.

Que là où le génie monastique s’est créé ces somptueuses demeures le présent à son tour porte son travail et son industrie avec toutes ses influences, que parmi tous ces ordres dont les maisons couvrent la face de l’Italie bien peu aient gardé la sève religieuse qui les a faits ce qu’ils ont été, c’est l’inévitable loi. Ce serait cependant une étrange faiblesse d’esprit de juger une vieille institution par ce qu’elle est devenue dans son déclin ou avec les idées de notre temps. Ces couvens où errent à peine aujourd’hui quelques moines perdus dans les cloîtres silencieux, ces couvens sont nés un jour d’un des plus prodigieux mouvemens qui aient agité le monde. Ils ont leur origine mystérieuse et légendaire au désert, dans cette vie cénobitique que représente une fresque de Lorenzetti au Campo-Santo de Pise, et dont les héros sont ces obscurs solitaires tenant un livre à la main, tressant la natte sur laquelle ils doivent mourir, ou méditant au bord de la mer qui expire à leurs pieds. Ils ont grandi à côté de l’église et avec l’église, dont ils ont été la force disciplinée et militante au temps où l’église elle-même était la force morale du monde. Ce qui a fait leur puissance, c’est que, mêlés à tout, répondant à des besoins ou à des instincts divers, ils ont été tout à la fois des asiles pour le travail et la science, des refuges pour tous les blessés et les vaincus de la vie, de grands instrumens de civilisation pour l’Occident. Ils ont eu un moment le rôle multiple de défricheurs du sol, de protecteurs des pauvres, de gardiens de la culture intellectuelle, et de toutes ces communautés religieuses qui ont péri par l’épuisement de la sève première, par l’immobilité au milieu du mouvement universel, aucune n’a eu certainement plus d’éclat que cette communauté bénédictine dont