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lutte se ranimait plus violente et plus décisive dans la vallée du Syr-Daria. La Russie rejeta sur les Kokandiens la reprise des hostilités, et il paraît vraisemblable en effet qu’exaspérés par la perte de Turkestan et de Chemkend, ils réunirent tous leurs efforts pour repousser les envahisseurs. Une grande victoire remportée par eux vers la fin de 1864 leur donna un moment l’espoir de rentrer en possession des villes qu’ils avaient perdues ; mais cet avantage passager ne tarda pas à être suivi de nouveaux revers. Les Boukhares, ayant pénétré dans le pays sous la conduite de leur émir, s’étaient emparés de Khodjend et de plusieurs autres places. Les Russes, impatiens de venger l’affront infligé à leur drapeau, profitèrent de cette diversion pour reprendre l’offensive ; le 9 mai, ils attaquèrent aux environs de Tachkend les troupes kokandiennes, que commandait Alim-Kul, régent du royaume pendant la minorité du sultan. Les Européens obtinrent cette fois un triomphe éclatant ; le chef ennemi fut tué dans le combat, et il semblait que le général Tchernaïef, qui avait succédé à Perowski, n’eût plus qu’à marcher sur la ville. Cinq semaines se passèrent néanmoins avant qu’elle fût attaquée. Les Russes se flattaient de l’espoir que la population, composée en partie de marchands qui avaient avec Orenbourg des relations fréquentes, se jetterait d’elle-même dans leurs bras ; mais les Tachkendiens étaient de trop fervens disciples de Mahomet pour se soumettre volontairement à des infidèles. Ils aimèrent mieux invoquer l’assistance du chef des croyans, l’émir de Boukhara, qui se trouvait encore à Khodjend. Averti de leur intention, le général Tchernaïef cerna la place, et commença le bombardement dans la nuit du 15 juin 1865.

Le sort du Kokand était désormais fixé ; en vain la Russie déclara que l’occupation de Tachkend serait provisoire : cette conquête, qui plaçait entre ses mains les principales lignes de communication de l’Asie centrale, qui livrait à sa merci le commerce de Khiva et de Boukhara, ne devait pas être aisément abandonnée. Cependant le gouverneur-général d’Orenbourg y établit une municipalité indigène et ne comprit pas d’abord le district dans la province de Turkestan, qui, vers la même époque, fut organisée par un décret impérial. Le nom donné aux nouvelles possessions de l’empire semblait toutefois présager encore des agrandissemens ultérieurs ; le Morning-Post critiqua vivement l’ambiguïté d’une dénomination qui s’appliquait aussi bien à l’Asie centrale tout entière qu’à la région située entre la mer d’Aral et l’Issi-Koul, la steppe Kirghiz et le Syr-Daria. À ces plaintes, le Journal de Saint-Pétersbourg répondit que le gouvernement avait en cela suivi l’usage des pays orientaux, qui veut que la principale ville d’une province impose