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En général les orages nous arrivent tout formés de l’océan, et ils continuent leur route à travers nos contrées dans la direction du nord-est. Au 14 mai par exemple, on voit l’un de ces phénomènes aborder la Normandie ; il s’étend à quatre heures du soir sur une ligne verticale depuis Saint-Lô jusqu’à Nantes, et il s’avance régulièrement et parallèlement à sa direction première ; à neuf heures, il est sur le méridien de Paris, d’Amiens à Bourges. A minuit, il passe sur la Marne et les Ardennes. Le 15, à trois heures du matin, il vient mourir sur les Vosges : il a parcouru toute la France de l’ouest à l’est en douze heures, faisant environ 13 lieues à l’heure. Il y en a qui ont une très petite largeur de 4 à 5 lieues ; beaucoup naissent sur le plateau central, aux puys d’Auvergne, et remontent au nord-est. Au 9 mai, on vit un orage entrer en France par Bordeaux à huit heures et demie du matin, rencontrer à midi les montagnes de la Corrèze et de la Haute-Vienne et se partager en deux branches, l’une qui monte vers le nord jusqu’à la Belgique, où elle arrive à une heure du matin, l’autre qui suit les vallées de la Garonne, du Tarn et de l’Aveyron, se dirigeant vers la Méditerranée. Il faut voir dans l’atlas les particularités de chacun de ces météores ; ce qu’on peut dire de général, c’est que ce sont des phénomènes restreints, plus restreints que les cyclones, se propageant comme eux et à peu près avec la même vitesse, mais sans aucune diminution de pression, sans rotation des vents, et caractérisés par un abondant développement d’électricité.

L’opinion de MM. Marié Davy et Fron est que les orages accompagnent toujours l’arrivée sur nos côtes d’un mouvement tournant étendu et peu rapide. C’est une opinion qui a besoin d’être confirmée. Ce qui est certain, c’est que les orages se forment pendant les journées chaudes et calmes de l’été, et que leur imminence paraît proportionnée à l’intensité de cette chaleur. Quand ces conditions se rencontrent, l’atmosphère me paraît être en équilibre instable. Comme le baromètre est élevé, il n’y a point de dérivations descendantes ; l’air inférieur tend à monter parce qu’il est très chaud, le supérieur à descendre, puisqu’il est froid, tous deux à prendre la situation opposée à celle qu’ils occupent. Si en un lieu donné l’air inférieur s’échauffe d’une quantité exagérée, il crève la couche supérieure, qui redescend par la trouée et qui amène avec elle la pluie et l’électricité dont elle est chargée. Une fois commencé, l’orage continue, car la pluie fait un vide, les courans descendans se succèdent, recommencent la pluie, ramènent la foudre, et le phénomène se transporte vers le nord-est avec la vitesse que les dérivations descendantes impriment dans cette direction aux deux quantités d’air inférieur et supérieur qui se sont mêlées.