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Ici le gulf-stream rallie la branche qui a tourné brusquement à l’est des Antilles ; il s’étale, diminue de profondeur sans se refroidir beaucoup, et, laissant entre lui et l’Amérique un courant descendant d’eau froide, il atteint Terre-Neuve et court franchement à l’est. Alors il se ralentit, s’épanouissant sur une immense étendue, se divisant dans tous les sens, comme si, arrivé à la limite de son immense voyage, il n’avait plus qu’à distribuer la chaleur qu’il amène avec lui. Une branche pénètre dans le détroit de Davis, longeant les glaciers de ces mers découpées, d’où elle arrache les icebergs, quelle entraîne en longs convois vers le nord. Le tronc principal contourne la Norvège et s’élance dans les eaux circumpolaires pour entretenir peut-être la chaleur de cette mer libre qui baigne le pôle, et dont on a tant parlé. Enfin il revient par de nombreux filets le long des côtes de France et d’Espagne, et probablement aussi dans des profondeurs inaccessibles.

Les mêmes choses se répètent dans le Grand-Océan ; c’est encore un courant parti des côtes occidentales du Mexique, se brisant contre l’Australie, s’insinuant entre les grandes îles de l’Inde comme dans les Antilles et remontant au-dessous de la presqu’île de Malacca, le long des côtes de Chine et du Japon, jusqu’au détroit de Behring, où il apporte les bois flottés recueillis dans sa course : c’est le kurvo-sivo, la rivière noire ; elle redescend le long des côtes de la Californie.

On comprend maintenant dans quelles conditions les vents dominans de l’ouest abordent en hiver les côtes refroidies de l’Europe. Réchauffés et mouillés à la fois par les dérivations descendantes et par leur contact avec les eaux de la mer, ils entretiennent cette température humide et moyenne qui caractérise le climat de l’Islande, des îles britanniques et surtout de la verte Irlande, cette émeraude de l’Océan. Ils arrosent les côtes de l’Europe, et dans les endroits où le continent se relève en hautes montagnes, l’air, déjà saturé, se refroidit en gravissant les pentes et y verse autant de pluie que dans les zones torrides. A Bergen, au pied des alpes Scandinaves, et à Coïmbre, à l’origine des sierras espagnoles, il tombe jusqu’à 4 mètres d’eau.

En appliquant ces principes à la France, il est facile de prévoir. comment la pluie y est distribuée. Brest reçoit le premier choc de tous les vents de mer, de tous les vents de pluie : ils se dessèchent en s’avançant dans l’intérieur du pays, qui est moins mouillé ; mais ils s’élèvent et se sursaturent en Auvergne, dans les Cévennes, les Vosges et le Jura. Les Alpes ont une influence prédominante, tous les courans s’y refroidissent et y versent de l’eau. Quand il pénètre dans la Méditerranée, le vent du nord-ouest se resserre entre les