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la papauté temporelle, soit ; — mais une papauté se transformant, prenant l’initiative du progrès, cessant d’être le gouvernement des prêtres pour rester une souveraineté nominale, un grand pouvoir moral, sinon non. C’était là à peu près, selon lui, ce qui se débattait à Rome et en Italie. Et ce qu’il voyait surtout à travers ce mouvement grandissant, ce qui lui apparaissait mieux encore lorsque les Autrichiens impatientés violaient le territoire pontifical en entrant à Ferrare, c’était la guerre. La crise semblait se rapprocher de jour en jour, et il partait pour la Romagne afin « de se mettre à portée de ce qui pouvait arriver, » selon son expression. « Je m’égosille à prêcher qu’on se prépare, écrivait-il, car tôt ou tard la partie doit être jouée… Je me suis arrêté à Pesaro, où j’attends le dénoûment. Si les choses avaient tourné autrement et que les Autrichiens se fussent avancés, je suis convaincu que le terrain aurait été disputé… Quant à moi, j’ai mis de côté dans cette occasion mon éternel sermon sur la modération, et je prêchais tout le contraire… »

Ce n’était pourtant ni du pape ni de l’Autriche que venait le signal de la guerre ; il partait de Paris, où éclatait la révolution de février, de Milan, où l’insurrection des cinq jours répondait à la révolution de France, de Turin, qui s’ébranlait dans la commotion universelle pour se porter au secours des Lombards, — et ce jour-là, après avoir lancé comme un cri de guerre les pages émouvantes des Lutti di Lombardia, d’Azeglio se retrouvait soldat. Il était soldat à sa manière, à ses frais, pour avoir le droit de combattre, et pour avoir aussi, comme il le disait, « voix au chapitre. » Il avait je ne sais quel grade d’adjudant-général dans l’armée pontificale, conduite par le général Durando jusqu’en Vénétie, tandis que de leur côté les Piémontais arrivaient d’un trait sur le Mincio. Singulière armée que cette armée pontificale de 1848 ! C’est d’Azeglio lui-même qui, dans une lettre écrite au bivouac, la peint dans sa marche avec son carroccio portant un autel, et son gonfalone aux couleurs de l’église avec viva Pio nono d’un côté, et de l’autre Dio lo vuole ! « Notre armée, écrit-il, a vraiment l’air d’une croisade. Outre la ligne, qui est très bien, nous avons une armée de volontaires et de paysans avec costumes de fantaisies lances, fourches et toute sorte d’instrumens dont on a fait des armes, de plus des prêtres, des moines qui, au reste, pourraient bien ne pas porter tous ces pistolets et ces poignards ; mais le moyen de le leur faire comprendre ? Enfin tout ceci ne manque pas de couleur, locale. » La position de cette armée était au moins étrange : elle faisait de Pie IX un Alexandre III malgré lui, en l’engageant dans une guerre qu’il désavouait. Si elle combinait ses opérations avec celles de l’armée