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roi, que ce fût l’effet de la persuasion ou de la crainte d’un plus grand mal, je me rangerais à la volonté royale, et, le nouveau système une fois établi, j’en serais le plus tenace défenseur. » C’est là peut-être d’un mot l’explication la plus claire du rôle invariable de cette noblesse piémontaise, fidèle à la maison de Savoie sans la devancer, la suivant dans ses bonnes fortunes comme dans ses malheurs, prête à se faire avec elle libérale et italienne, fût-ce en regrettant un peu le vieux temps, et marchant aujourd’hui au signal de Charles-Albert ou de Victor-Emmanuel, comme elle marchait autrefois au signal d’Emmanuel-Philibert ou de Victor-Amédée.

Les événemens vont si vite de notre temps et la face des choses a si brusquement, si complètement changé, qu’on a de la peine à se faire une idée de cette vie d’autrefois, de ce qu’était cette Italie du lendemain de la révolution française, lorsque tout ce qu’il y avait de Piémontais fidèles était obligé de s’enfuir devant un reflux de la conquête. Massimo d’Azeglio va maintenant prendre sa place parmi les grands Italiens qui se reposent à Santa-Croce ; il y a soixante-sept ans, il allait pour la première fois à Florence, enfant à peine né, dans les bagages d’une famille qui s’exilait. « Florence, terre d’exil ! » N’est-ce point un blasphème de se servir de ce mot ? semble-t-il dire aujourd’hui dans ses mémoires. C’était pourtant vrai, le marquis César d’Azeglio se considérait comme exilé, et dans son cabinet, vis-à-vis de sa table de travail, il avait placé une vue de Turin au bas de laquelle était écrit le mot : fuit ! Le Piémont a toujours inspiré de ces fidélités touchantes, de ces robustes attachemens, proportionnés à tout ce que coûtait son indépendance incessamment disputée, et qui étaient faits pour devenir le germe d’un sentiment plus large de la patrie commune. Florence réunissait à cette époque une assez nombreuse émigration piémontaise, les Balbo, les Perrone, les Delborgo, les Prié, tous ceux qui ne voulaient ni rester à Turin sous les maîtres étrangers ni renier la cause des princes de Savoie, en ce moment relégués dans l’île de Sardaigne. C’est dans ce demi-exil, entre une mère intelligente et tendre, dont les émotions avaient brisé l’organisation délicate, et un père aux principes sévères, que Massimo d’Azeglio recevait les premières impressions de la vie.

Il aima toujours Florence depuis, il y revenait sans cesse, et qui sait si l’homme mûr ne se souvenait pas encore, sans le savoir, quand l’un des premiers il désignait la ville de l’Arno comme la capitale de l’Italie ? Pour un si petit personnage, il eut d’abord vraiment d’illustres connaissances : c’était le favori à tête blonde de cet autre exilé volontaire qui s’appelait Alfieri et de son amie la comtesse d’Albany. On se réunissait souvent et familièrement