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La réserve du nouveau projet n’est, il est vrai, pas autre chose que la milice suisse ; mais on se demande si la France ne devrait pas aller plus loin dans ce sens. Ne pourrait-on, en combinant les avantages des systèmes prussien et suisse, faire passer la réserve par le régiment, afin de lui donner une instruction plus solide, l’y retenir toutefois peu de temps, et d’autre part abréger notablement la durée du service dans l’armée active, se rapprocher ainsi du système des milices provinciales ? On n’aurait ainsi d’une manière permanente que 200,000 hommes au plus sous les drapeaux, mais on en trouverait 3 millions dans la réserve. On serait moins puissant pour l’attaque, mais invincible pour la défense. Mieux que tout autre peuple, la France pourrait donner au monde ce salutaire exemple. Elle a conquis assez de gloire pour inaugurer sans regrets l’ère de la paix, et ses populations sont assez belliqueuses pour que nul ne songe jamais à venir provoquer ses innombrables milices. Suivant d’absurdes rumeurs la France devrait attaquer la Prusse l’année prochaine. Et pourquoi ? Par quelle déplorable contradiction la France, qui a passé les Alpes pour faire, au nom du principe des nationalités, l’unité italienne, passerait-elle maintenant le Rhin pour s’opposer à l’unité germanique ? Ce serait la rendre inévitable la prochaine. La Bavière, si hostile à la Prusse, ne vient-elle pas de déclarer récemment qu’elle se mettrait sous ses ordres pour repousser toute agression étrangère, et ne voyons-nous pas déjà les autres états du sud se grouper autour de la Prusse ?

La crainte de l’Autriche a unifié l’Italie, celle de la France unifierait l’Allemagne. Quelle compensation espérer d’ailleurs pour tant de sang et de millions qu’il faudrait sacrifier ? Quelques lambeaux de territoire le long du Rhin, arrachés tout palpitans à la grande patrie allemande, cause éternelle de haines et de luttes, sorte de Venise rhénane attachée au flanc de la France, qui serait condamnée désormais à garder toujours l’arme au bras et la mèche allumée pour conserver une conquête si contraire au droit sans cesse invoqué des nationalités ? Non, il faut l’espérer, c’est vers un autre avenir que nous marchons. Les anciennes rivalités de peuple à peuple cesseront, car il est démontré qu’elles n’ont pas de raison d’être. Jadis on croyait que les intérêts étaient en opposition, aujourd’hui