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soldats. La confédération du nord, avec 29,200,000 âmes, en aura un peu plus d’un million.

L’instruction donnée au soldat prussien mérite aussi d’être connue. La cavalerie fut d’abord l’arme de prédilection de la Prusse. C’est grâce à elle que le grand-électeur remporta sa fameuse bataille de Fehrbellin, et Frédéric dut une partie de ses succès à ses deux incomparables généraux de cavalerie Zieten et Seidlitz ; mais depuis 1813 c’est à perfectionner l’infanterie qu’on s’est surtout attaché. De 1830 à 1848, on dressa le soldat à la méthode russe. Régularité automatique des mouvemens, précision irréprochable des défilés dans les parades, obtenir un seul choc quand on déposait l’arme ou une seule détonation quand on faisait l’exercice à feu, tel était l’idéal. C’était le règne de cet esprit étroit « du bouton de guêtre » que les Allemands appellent le Kaporalismus, et que l’empereur Nicolas, le dieu des cours allemandes à cette époque, avait mis en vogue. Pendant la guerre de Crimée, quand elle vit le soldat russe, si admirablement dressé, vaincu par les Français, par les Anglais, et même, sur le Danube, repoussé par les Turcs, la Prusse s’aperçut qu’elle avait fait fausse route. Elle comprit qu’il faut développer l’initiative individuelle plutôt que le mécanisme collectif. Elle adopta la méthode française qu’elle systématisa suivant l’usage d’outre-Rhin. On s’efforça de donner à chaque homme l’intelligence de son métier ; on dégourdit ses membres par la gymnastique, on lui apprit à faire bon usage de ses armes, à courir, à profiter du terrain pour attaquer ou se défendre, à tirer avec adresse, à s’escrimer à, la baïonnette, à parer l’attaque d’un cavalier, enfin on s’appliqua surtout à lui faire comprendre le pourquoi de tous ses mouvemens. L’enseignement obligatoire et le service obligatoire pour tous offrent sous ce rapport de grands avantages. Tous les soldats ont fréquenté l’école, et les jeunes gens de la classe aisée disséminés dans les rangs font sentir autour d’eux l’influence de leur intelligence plus développée, ce qui contribue à élever le niveau intellectuel de toute l’armée. Il est digne d’attention que les deux peuples dont les succès militaires ont le plus marqué dans ces derniers temps sont précisément ceux chez qui l’instruction est le plus répandue, les États-Unis et la Prusse. La vivacité d’esprit et la prévoyance sont utiles partout, même sur un champ de bataille ; mieux vaut commander des hommes intelligens, comprenant bien ce qu’ils ont à faire, que les troupiers les plus irréprochables à l’exercice. Tous les officiers prussiens sont d’accord sur ce point, c’est à la décision intelligente de leurs soldats qu’ils ont dû le succès. Aucun enthousiasme guerrier n’animait les, armées prussiennes. Les hommes rappelés sous les drapeaux étaient