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sommes à présent ; mais déjà les peuples aspirent à un ordre meilleur où les nationalités, enserrées dans les liens d’une vaste confédération, n’auront plus à vider leurs différends les armes à la main, et où, la force n’étant plus qu’au service de décisions amphictyoniques, la loi régnera seule sur les races civilisées. Voilà où tend le progrès, et tel sera l’avenir. C’est cette force providentielle et bienfaisante qui, favorisant partout la constitution des états actuels, a contribué aussi à former la Prusse sur les ruines des souverainetés féodales, et c’est elle qui travaille encore en ce moment à compléter son œuvre. La France s’est faite ainsi par l’adjonction autour d’un noyau central de principautés indépendantes : Guienne, Languedoc, Bretagne, Normandie, Franche-Comté, Bourgogne. La Russie est née du grand-duché de Moscovie, absorbant successivement les provinces de la Mer-Noire et de la Baltique, la Crimée, l’Esthonie, la Finlande. L’héptarchie anglo-saxonne est devenue la monarchie anglaise, qui s’est complétée par l’Ecosse et l’Irlande. L’Espagne, d’abord divisée en une multitude de souverainetés, arrive une des premières à l’unité dès le XVIe siècle. L’Allemagne et l’Italie, arrêtées chacune par des causes particulières, étaient restées divisées en états multiples comme au moyen âge. L’Italie vient de se former sous nos yeux avec une promptitude que n’avaient point rêvée ses plus enthousiastes partisans. L’unité s’est établie malgré les antiques rivalités de ces villes si longtemps engagées dans des luttes atroces : Gênes contre Pise, Florence contre Sienne, Venise contre Milan, Mantoue contre Ferrare, et ainsi à l’infini, provinces contre provinces et cités contre cités. En Allemagne, une première simplification s’est faite, favorisée par le premier empereur des Français ; une deuxième vient de s’accomplir sous les auspices du second empire. Le mouvement vers l’unité, longtemps retardé, aboutira certainement à une fusion plus complète et plus facile qu’ailleurs. Quelle diversité de mœurs, de langue, de race même, entre l’Anglais, l’Écossais et l’Irlandais en Angleterre, entre le Breton, le Basque, le Provençal et l’Alsacien en France ! En Allemagne au contraire, partout du nord au midi, même langue ; mêmes mœurs, même idéal littéraire, mêmes souvenirs historiques, car tous ces états séparés ont toujours fait partie d’une grande confédération politique, l’empire germanique. Il est donc probable que l’unité s’établira lentement et à proportion de la liberté dont jouira la Prusse, brusquement, violemment, dans le cas d’une guerre avec l’étranger. Si l’Autriche ne comprenait pas tant de peuples d’origine diverse, et si, depuis le XVIe siècle jusqu’au récent concordat, elle n’avait pas été soumise à l’esprit ultramontain, c’est elle sans aucun doute qui aurait constitué l’unité allemande sous le