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étaient de médiocres Anglais en fait d’éducation et de langage, ils n’assistèrent même point aux conseils des ministres. De là cet usage, devenu constitutionnel en Angleterre, de la solidarité des ministres et de l’homogénéité des cabinets. Il a été éprouvé et accepté, sous l’influence de l’expérience, comme le plus utile à la bonne et régulière expédition des affaires. Tel est en effet le critérium de toutes les institutions : l’utilité démontrée par l’expérience et la force des choses. Quand le duc de Wellington, contraint à des concession » telles que l’émancipation des catholiques ou l’abolition des corn-laws, s’entendait blâmer par les têtus de son parti de compromettre et d’ébranler la constitution britannique : « Soit, disait-il ; mais il faut bien faire marcher le gouvernement de la reine. » Toute la question est là. Il faut bien faire marcher le gouvernement. La présence des ministres aux chambres est une combinaison éminemment propre à la bonne conduite d’un gouvernement représentatif ; si l’expérience démontre que leur solidarité offre de semblables avantages, l’expérience en temps et lieu saura rendre la constitution accommodante.

Nous ne voyons pas plus de subtilités et de mystères dans la suppression des débats de l’adresse, remplacés par les interpellations. Nous comprenons les regrets qu’a excités cette abolition. Les débats de l’adresse, repris en 1860, formeront une noble page de notre histoire, car ils ont concouru fortement à la renaissance libérale, qui depuis cette époque a fait de si grands progrès dans les esprits. Les beaux discours de M. Thiers, les grandes harangues de M. Jules Favre, tant d’autres manifestations éloquentes laisseront une empreinte glorieuse sur cet épisode de notre histoire parlementaire. C’était d’ailleurs la seule grande issue qui fût alors ouverte à la pensée politique du pays. Cependant, sauf dans les circonstances exceptionnelles que nous venons de traverser, les discussions trop prolongées de l’adresse ont toujours été à nos yeux une application malencontreuse du gouvernement représentatif. Cette façon de procéder au début d’une session par une revue des questions rétrospectives et de poser des questions de cabinet sur des données générales a toujours eu le défaut de n’être point pratique et de nuire à la vraie politique des affaires. Cette délibération, qui, méconnaissant la succession naturelle et l’opportunité particulière des choses, enveloppait tous les sujets à la fois, donnait aux chambres l’air de congrès scientifiques plutôt que de corps politiques. Elle excitait des passions, donnait lieu à des manœuvres, entretenait dans la controverse publique un ton violent et déclamatoire, qui ne sont point compatibles avec la pratique régulière et solide du gouvernement libre. C’était une mauvaise procédure pratique qui ne pouvait d’ailleurs se recommander par l’expérience d’aucune autre nation librement gouvernée. D’autres issues étant données à la discussion politique dans les chambres, nous voyons cesser sans chagrin les classiques débats de l’adresse. On a cherché dans l’interpellation réglementée un moyen différent, plus conforme à la nature des choses, uni plus directement aux exigences va-