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actuel. Par quel travail intérieur ce changement s’est-il accompli ? quels sont les hommes que l’empereur a bien voulu admettre à cette préparation ? Les questions de personnes deviendront très sérieuses à mesure que la vie libérale ira se développant, et il ne serait peut-être point inutile de connaître quels sont ceux qui ont été les premiers jugés dignes des confidences de l’empereur. Un pas certain est fait vers le régime parlementaire. Les vœux da président du corps législatif n’auraient-ils point secondé cet effort ? Parmi les quarante-cinq députés qui votèrent l’an dernier l’amendement des réformes, est-il quelque privilégié à qui il ait été donné de coopérer au succès obtenu aujourd’hui par le tiers-parti ? M. Émile Ollivier, que nous appelions autrefois un Benjamin Constant avant l’acte additionnel, n’aurait-il pas aujourd’hui le droit de nous adresser quelque réponse pertinente ? Le membre principal du ministère, M. Rouher, qui est depuis si longtemps en communication de pensées avec l’empereur, n’a-t-il point été favorisé des prémisses de ces projets qu’il est maintenant chargé de pousser à maturité ? Et cette courte crise ministérielle ! ce conseil des ministres terminé, après la révélation, par la démission collective ! ceux qui rentrent aussitôt et ceux sur lesquels la porte reste close ! bon régal pour un Saint-Simon, si par aventure un œil à dard de cette espèce étincelait quelque part dans l’obscure foule des comparses de notre époque ; mais ces amusemens de curiosité sont à l’usage de la postérité. Nous, les vivans du moment, nous avons à courir à des affaires plus pressées.

Dans le tour nouveau qui vient d’être donné à notre politique intérieure, nous ne voulons donc nous laisser distraire ni par les particularités du langage employé dans les documens insérés au Moniteur, ni par la recherche des incidens qui ont influé sur le dénoûment. C’est au fond des choses que nous nous attachons avant tout. Le fond des choses dans les nouvelles mesures, ce n’est rien moins que la renonciation au pouvoir discrétionnaire qui a perpétué pendant quinze ans la dictature, c’est le commencement d’un système nouveau qui dans de certaines limites non-seulement admet, mais sollicite la participation directe et continue du pays au gouvernement de lui-même. Depuis 1851, le grand problème de la destinée nationale était la question de savoir quand le droit d’intervenir régulièrement dans la direction de ses propres affaires serait rendu au pays. Cet intérêt avait pris un caractère d’urgence impérieuse depuis les expériences que nous avions rencontrées l’année dernière dans les résultats de la politique étrangère. Il était devenu manifeste que, si l’opinion du pays avait pu agir plus directement sur le pouvoir, de graves et regrettables fautes eussent été évitées ; il était visible que la France, pour reprendre son rang dans la société des peuples européens, ne devait plus compter que sur le réveil de sa vie politique intérieure. Ainsi éclataient en même temps l’enseignement du passé et l’évidence des nécessités de l’avenir. L’empereur a compris à temps ce double oracle de la nécessité qui sortait avec tant de force des derniers événemens. Personne autant que le chef de l’état n’a dû éprouver