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latitudes de quelques stations intermédiaires entre les extrémités de l’arc mesuré. Sir Thomas Maclear ne paraît pas encore avoir songé à étudier d’une manière plus spéciale la déviation du fil à plomb sur les montagnes qui bordent au sud-ouest le vaste plateau granitique appelé Bushman-Flat (plaine des Boschimans). C’est peut-être ce qui reste à faire pour compléter les résultats de ce grand travail.


II

Les observations et les calculs auxquels donne lieu la mesure d’un arc du méridien exigent la même précision que les travaux journaliers des grands observatoires. Rien ne doit être fait à la hâte ; on met en œuvre toutes les ressources dues à la perfection des méthodes modernes, à l’expérience d’astronomes consommés et à l’habileté des constructeurs d’instrumens. Il n’en est plus de même pour les travaux de la géodésie expéditive qui incombent aux voyageurs. Là les problèmes changent d’aspect. Il s’agit non plus d’observer avec une extrême précision, mais vite et résolument, à l’aventure et à la belle étoile. Il faut arracher de maigres résultats à l’avare occasion, saisir au vol les instans favorables, garder tout son calme au milieu des dangers et des fatigues, lutter corps à corps avec des difficultés sans cesse renaissantes, écrire un chiffre précieux comme si on commettait un crime, en se cachant, en fuyant. Quand il faut compter avec les obstacles extérieurs, avec les faiblesses du corps et de l’âme, il est impossible de faire de la science comme chez soi, dans un observatoire commode et bien abrité ; on ne peut rien remettre au lendemain, qui ne vous appartient pas, on est toujours pressé par le temps inexorable. De là des méthodes particulières, des méthodes expéditives et qui ne sont définies que dans leurs principes ; il appartient au génie propre de chaque voyageur de les modifier dans tel cas imprévu pour les approprier aux circonstances, car l’occasion est son guide et le hasard son collaborateur. Lorsqu’un homme versé dans les connaissances astronomiques, familier avec les principes des méthodes et doué du génie inventif qui distingue tous les grands voyageurs, se dévoue à une tâche de Ce genre, il peut arriver à des résultats surprenans. L’œuvre d’Antoine d’Abbadie va nous en fournir la preuve.

M. Antoine d’Abbadie est ne en 1810, à Dublin, d’un père français. Très jeune, il rêvait déjà voyages et explorations ; il s’y prépara par de fortes études. En 1836, il partit pour le Brésil à bord de la frégate l’Andromède, qui emmenait loin de la France un illustre exilé. Pendant les premiers mois de l’année 1837, il effectua à Olinda de