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opération de géodésie. L’une, le Capoc-Berg, haute d’environ 460 mètres, est à 55 kilomètres au nord de la ville du Cap ; l’autre, qui porte le nom de Riebeck’s-Castel, est située à 40 kilomètres à l’est de la première ; elle s’élève à 946 mètres au-dessus du niveau de la mer. La ligne qui joint le Capoc-Berg au Riebeck-Castel pouvait servir de côté commun à deux grands triangles, dont l’un aboutirait au sud à l’observatoire de Lacaille, l’autre au nord à un point éloigné de 80 kilomètres, où se trouvait la ferme de Klyp-Fonteyn. Si on parvenait à déterminer exactement la longueur de cette ligne d’environ 40 kilomètres, il était facile d’en déduire les distances des deux montagnes à l’observatoire et à Klyp-Fonteyn, et par suite la distance de Klyp-Fonteyn à l’observatoire. On obtenait ainsi la mesure d’un arc du méridien qui embrassait 1° 13’ (à peu près 135 kilomètres).

Comment faire pour connaître la distance du Capoc-Berg au Riebeck’s-Castel ? Le moyen était simple. L’espace compris entre ces montagnes est une vaste plaine de sable où l’on pouvait mesurer à l’aise une base de quelques kilomètres ; cette base, rattachée aux deux sommets par deux triangles supplémentaires, en donnait immédiatement les positions et l’intervalle.

Lacaille présenta, son projet au gouverneur de la colonie, qui l’approuva et lui promit aide et protection ; M. de Tulbagh lui donna même pour coopérateur un des officiers du fort. Malgré cela, l’opération que Lacaille se proposait d’effectuer ne se présentait pas sous de rians auspices. La contrée qu’il fallait traverser avec un bagage de lourds instrumens était un désert aride, tout couvert d’épaisses broussailles, sans routes et sans ressources. Heureusement l’hôte de Lacaille, après avoir essayé en vain de le détourner de son entreprise, s’offrit à l’accompagner, et se chargea du transport des instrumens et de l’entretien de la petite caravane. Après avoir procédé à une reconnaissance préalable du pays, Lacaille commença son opération au mois de septembre 1752, et la termina en six semaines. On avait vécu un peu à la belle étoile, on avait passé par bien des fatigues ; à Klyp-Fonteyn, on avait couché dans une grange, à côté des instrumens, sur des sacs de paille, mais l’abbé était enchanté. « Grâce à M. Bestbier, dit-il, je me trouvai pendant tout mon voyage aussi à l’aise et aussi libre que si j’eusse été dans la meilleure province de France. »

Il revint à la ville du Cap vers la fin d’octobre, et se remit immédiatement à observer la lune. Sur ces entrefaites, il reçut du roi L’ordre d’aller aux îles de France et de Bourbon afin de déterminer exactement les longitudes de ces ports. Ce travail venait d’être fait par un officier français ; Lacaille le savait, mais il n’eut pas le temps