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à Rio-Janeiro, où le navire était obligé de faire escale. Le 30 mars, on était en vue du Cap ; mais ce n’est que vingt jours après que le vent permit d’entrer en rade. L’abbé fut très bien accueilli par le gouverneur et par les officiers de la colonie. Un Allemand, nommé Bestbier, qui avait servi autrefois dans l’armée française et qui était un des premiers bourgeois de la ville, s’empressa de lui offrir sa maison et sa table, et le seconda ensuite autant qu’il lui fut possible dans ses travaux. Lacaille employa le mois de mai à faire construire un petit observatoire dans la cour de cette maison hospitalière, et y installa les instrumens qu’il avait apportés de France.

Le cap de Bonne-Espérance est peut-être le point du globe qui semble au premier aspect le plus favorable à l’astronomie. Un climat tempéré et un ciel presque constamment découvert invitent aux observations ; mais, dès qu’on veut mettre la main à l’œuvre, cette apparente facilité s’évanouit. Pendant cinq mois de l’année, ce ciel si pur n’est dû qu’au souffle d’un vent du sud-est violent, qui ébranle les maisons et tous les objets de telle façon que les observations deviennent impossibles avec les grands instrumens. Les images des astres paraissent confuses et d’autant plus agitées que la lunette est plus longue et le grossissement plus fort. Les jours calmes et sereins ne forment qu’à peu près un sixième de l’année, soit deux mois. Le reste, cinq mois, se partage entre le temps variable et les jours entièrement couverts. Lorsqu’il eut connaissance de ces faits, Lacaille en prit bravement son parti. Il résolut d’employer les nuits les plus favorables à déterminer exactement les positions d’un certain nombre d’étoiles fondamentales et de les prendre comme points de repère pour corriger les positions de toutes les autres, que dès lors il pouvait se contenter d’observer avec moins de précision, à l’aide d’une lunette plus petite, sur laquelle l’influence du vent serait moins sensible. Par ce moyen ingénieux, il avait tourné un obstacle imprévu ; il avait en quelque sorte dompté les élémens. La petite lunette, d’une longueur de 75 centimètres, était dirigée sur une ouverture pratiquée dans le toit, puis on laissait passer les étoiles et on en notait autant que possible. Pendant ces observations, il fallait rester debout, sans changer de place ni d’attitude, et souvent pendant six heures consécutives. Lacaille termina son catalogue dans l’espace d’une année. « Les essais que j’avais faits autrefois, dit-il, m’avaient appris que pour me garantir du sommeil il fallait me tenir toujours en action, et par conséquent ne me pas contenter de n’observer que les étoiles de la sixième grandeur et au-dessus, mais qu’il fallait déterminer aussi toutes celles qui pouvaient être déterminées facilement, de quelque grandeur qu’elles fussent ; car, quoiqu’il ne soit pas nécessaire de