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méritent d’être connues. M. d’Abbadie a le premier exécuté une triangulation en pays sauvage. Il est parvenu par ce moyen à multiplier presque indéfiniment ses positions astronomiques. Nous essaierons de donner ici une idée générale de ses procédés ; mais, avant d’en parler, nous raconterons brièvement l’histoire d’une autre triangulation, celle qui fut commencée par Lacaille au cap de Bonne-Espérance en 1750, et qui n’a été achevée qu’un siècle après, par sir Thomas Maclear.


I

Nicolas-Louis Lacaille ou l’abbé de La Caille, comme l’appelaient les historiens de l’Académie des Sciences, était né à Rumigny, près de Reims, en 1713. Il avait embrassé l’état ecclésiastique, mais sa vocation l’entraîna vers les sciences exactes ; il devint un des plus grands astronomes de son temps. Lalande a dit de lui qu’il avait fait à lui seul pendant la durée de sa vie (qui ne fut que de quarante-neuf ans) plus d’observations et de calculs que tous les astronomes contemporains réunis. Delambre l’appelle « le calculateur le plus courageux et l’observateur le plus zélé, le plus actif, le plus assidu qui ait jamais existé. » Émerveillés de l’habileté qu’il avait montrée en coopérant aux mesures qui avaient pour objet la description des côtes de France, les Cassini lui confièrent en 1739 la vérification de la grande méridienne de France. Dans le courant d’une année, il avait terminé ses mesures entre Paris et Perpignan ; l’année suivante, il les acheva au nord de Paris. Pendant son absence, sur sa réputation, on le nomma professeur de mathématiques au collège Mazarin, emploi qu’il a rempli jusqu’à sa mort. En 1741, âgé de vingt-huit ans, il fut élu membre de l’Académie des Sciences.

Il obtint en 1746 d’être mis en possession d’un petit observatoire établi au collège Mazarin. Avec des lunettes plus que médiocres et à l’aide de cercles dont les divisions étaient fort imparfaites, il y observa pendant douze ans les passages des astres au méridien, suppléant par son habileté exceptionnelle à l’insuffisance de ses instrumens. Sa grande préoccupation était de former un catalogue exact des étoiles fixes ; mais il vit bientôt qu’il ne pourrait pas l’achever à Paris. Pour observer avec précision les étoiles situées dans la partie australe du ciel, il fallait aller au-delà de l’équateur et porter ses instrumens aussi loin que possible dans l’hémisphère sud.

Un pareil voyage promettait d’ailleurs la solution de plus d’un problème important. Des observations correspondantes de la lune