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d’ironie, une pluie de sarcasmes ; rien ne résiste, personne ne riposte ; la peur du ridicule ferme la bouche aux plus hardis : le sauve-qui-peut est général, la terreur se fait par le rire. Aussi quels résultats ! quel désastre ! Les autels renversés, tout culte anéanti, le clergé dispersé, traqué ou mis à mort, une nation entière sans temples, sans pasteurs, sans lien visible avec le ciel ! N’est-ce donc pas assez ? Que voudrait-on de plus ?

On ne veut pas mieux faire, on veut que l’œuvre dure ; on prétend en finir avec le malade, couper court à toute guérison, à toute résurrection possible. De même qu’après 1848 ces fougueux démagogues qui avaient cru l’occasion propice à démolir la société se consolaient de leur échec en proclamant bien haut que, si pareille chance s’ouvrait jamais pour eux, ils sauraient en user autrement et ne manqueraient pas leur coup une seconde fois, de même nos destructeurs de religion se gardent bien d’imiter leurs pères, qui n’ont fait, disent-ils, les choses qu’à moitié. Le persiflage, l’ironie, sont des moyens usés, des armes trop légères, qui blessent et ne tuent pas : c’était bon pour entamer la guerre, il faut d’autres engins pour la mener à fin. Le public a d’ailleurs changé depuis soixante ans de caractère et d’habitudes. Il est devenu, à ses dépens, plus réfléchi, plus sérieux : on a plus de peine à le faire rire, et pour lui la plaisanterie n’est pas toujours un argument. Bien plus, on lui devient suspect à badiner sur toute chose, et peu s’en faut qu’on ne le révolte au lieu de le séduire. Il faut s’accommoder à sa nouvelle humeur, il faut le prendre par son faible, et son faible aujourd’hui est qu’on le traite en homme et non plus en enfant.

La science, voilà le grand moyen ! La science est le seul guide, la seule autorité que les esprits de nos jours acceptent tous de bonne grâce. Cela se comprend : ils lui voient faire de tels miracles, elle répand sur l’humanité des biens si manifestes, elle ouvre à l’homme de telles perspectives, et confirme si incontestablement son droit de souveraineté sur ce monde qu’il lui doit en retour de se soumettre à ses arrêts, de lui garder obéissance et de ne pas rougir de l’hommage qu’il lui rend. Mais entre les mains de ceux qui le veulent soustraire à toute autre croyance, le détourner de toute soumission à une autorité plus haute, à l’invisible souveraineté du créateur de toutes choses, quelle arme redoutable que cette foi de l’homme en la science ! Aussi, pour être apte aujourd’hui à s’enrôler avec honneur parmi les adversaires des croyances chrétiennes, pour y jouer un rôle, agir sur les esprits, troubler les consciences, ce n’est plus assez d’avoir quelque talent, une plume élégante et moqueuse ; il faut être savant, ou tout au moins passer pour l’être, ce qui est plus facile, beaucoup moins rare, et partant beaucoup plus