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d’un gouvernement libre ? N’était-ce pas du choix libre des fidèles qu’était né dans les premiers siècles le gouvernement de l’église ? le respect de la liberté humaine, l’amour du droit, la lutte contre la force tyrannique et barbare, n’était-ce pas la gloire, l’essence même des croyances chrétiennes ? Ceux-là n’avaient-ils pas faussé le catholicisme qui, depuis trois siècles, l’avaient associé et comme identifié à la fortune et aux préceptes de l’ancienne monarchie ?

Quand ils se furent bien convaincus que non-seulement il n’y avait rien d’inconciliable entre leur foi et leurs opinions, mais que c’était leur devoir de chrétiens et le plus grand service qu’ils pussent rendre à l’église que de l’arracher à ses tendances rétrogrades et de la réconcilier avec le monde et les idées modernes, ils entrèrent franchement en campagne, déployèrent leur drapeau, formèrent un comité et fondèrent un journal, ne négligeant aucun moyen de propager leurs idées et de grossir leurs rangs. S’ils avaient eu la bonne chance de se choisir un chef non pas plus éloquent, mais d’un jugement plus sûr, moins passionné, moins téméraire que l’abbé de Lamennais ; si les nobles esprits, les cœurs d’élite, les merveilleux talens qui se groupèrent autour de lui avaient eu seulement quelques années de plus, moins d’impatience et moins de feu, moins de préventions contre un pouvoir nouveau encore mal affermi et plein d’un tel esprit de la vraie liberté que chaque jour il mettait son existence en jeu pour ne pas attenter au droit de ses adversaires, pour ne pas faire un pas en dehors de la légalité ; s’ils avaient compris quels services leur cause en pouvait attendre à la seule condition de ne pas lui demander l’impossible, de ne pas le harceler et le gourmander à tout propos, de ne pas prêter main-forte à ses démolisseurs ; en un mot, si le même talent, la même ardeur, la même sincérité, le même dévouement, s’étaient alliés à plus d’expérience, à plus de mesure et de sens pratique, peut-être après trente-six ans cette grande œuvre de la conciliation de l’église et de l’esprit moderne serait-elle mieux comprise et plus avancée qu’elle ne l’est aujourd’hui. Ce qui a grossi la difficulté et compliqué le problème, c’est la vivacité des opinions que professèrent dès le début les catholiques libéraux. Leur entreprise était déjà bien assez difficile, même en la réduisant à ses plus simples termes ! N’était-ce pas assez que de faire accepter par le gros du clergé et des fidèles les résultats définitifs de la révolution, les droits à jamais acquis de la société civile, les bienfaits de la liberté telle que l’avait comprise le gouvernement de juillet, telle que la comprendra tout gouvernement vraiment libre, de la liberté fondée sur la souveraineté de la loi, sur le respect des droits de tous, aussi bien des droits du pouvoir que de ceux du moindre citoyen ? Prêcher à des