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constituée la révolution française ? Comment faire respecter par cette société les justes droits de l’église ? Tel est le double problème qui ne pouvait manquer d’apparaître bientôt.

Jusqu’en 1830, on ne fit que le pressentir : la solution n’en avait rien d’urgent. La religion catholique ayant repris sous le gouvernement de la restauration son ancien privilège de religion d’état, il n’était pas question de conciliation, de tolérance réciproque entre elle et la société. C’était de haute lutte qu’on entendait lui faire sa part, et le bras séculier était à son service, sans violence, avec modération, mais non pas sans dommage pour son autorité, pour son empire sur les âmes. Elle avait à la fois les charges et les profits de sa situation privilégiée. Après 1830, ce fut tout autre chose. Les mots religion de l’état disparaissant du pacte constitutionnel, aucun culte ne pouvait plus prétendre à des immunités particulières, à une position dominante. Tous ils avaient les mêmes droits. Quel que fût le nombre de leurs adhérens, du moment qu’ils étaient reconnus et subventionnés par l’état, la loi les tenait tous pour également sacrés, également respectables. Cette neutralité du pouvoir fit jeter les hauts cris à certains catholiques. Pour eux, le privilège était l’essence même, l’état normal, la condition vitale de leur croyance. Les réduire à ce maigre régime d’égalité et de droit commun, c’était plus que de l’indifférence, plus que de l’abandon ; c’était de la spoliation, de la persécution. Ils se plaignaient d’autant plus fort que leurs adversaires affectaient de triompher plus bruyamment. Les extrêmes se touchent : de part et d’autre, on croyait fermement que, sans l’appui particulier, sans les faveurs des magistrats et des gendarmes, il n’y avait pour le catholicisme aucune chance de salut, que jamais à armes égales il ne résisterait au choc de ses ennemis ; seulement les uns se posaient en martyrs, maudissant l’athéisme du pouvoir et lui imputant d’avance l’inévitable ruine de la foi, tandis que les autres reprochaient à ce même pouvoir ses prétendues faiblesses pour l’ancien culte privilégié, l’accusant de prolonger son existence en le favorisant sous main.

C’est au milieu de ce conflit qu’on vit se former peu à peu un groupe de catholiques envisageant les choses sous un aspect absolument nouveau. Ils étaient jeunes, ils étaient de leur temps ; leurs cœurs battaient à ces nobles idées de liberté et d’indépendance dont la France pour la seconde fois paraissait alors enivrée, et qui semblaient la reporter à l’aurore de 89 : chrétiens fervens, sincères et résolus, qu’allaient-ils faire ? Devaient-ils sacrifier à leur foi religieuse cette foi politique qui venait d’éclore en eux ? Pourquoi ? Qui donc, les empêchait d’être à la fois catholiques et libéraux ? où était l’incompatibilité entre les principes de l’Evangile et ceux