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au bout de quelque temps, l’assuré n’a plus rien à payer, et son assurance de capital subsiste. Enfin les bénéfices peuvent aussi servir à l’accroissement de l’assurance elle-même. À chaque répartition, on considère le total du boni à encaisser comme une prime unique qui garantit au décès de l’assuré un capital nouveau proportionnel à son âge.

Avec toutes ces combinaisons, aussi favorables pour les assurés que celles des sociétés anglaises, et avec des tarifs à peu près semblables, on ne comprendrait pas que les opérations d’assurances en cas de décès n’aient point fait plus de progrès chez nous depuis dix ans, si l’on ne considérait que notre infériorité sous ce rapport tient surtout à ce que notre éducation économique est encore bien récente. L’aisance répandue, la circulation des gros salaires, l’habitude de lutter contre l’imprévu, le maniement rapide du numéraire, l’esprit de commerce et d’entreprise, les mœurs industrielles en un mot conseillent plus particulièrement le sacrifice d’une partie du gain journalier à ce qu’on appelle les espérances mathématiques. Nous sommes encore neufs à cette existence agitée, à ces combinaisons incessantes des peuples industriels. Aussi quelles formes l’assurance sur la vie n’a-t-elle pas prises en Amérique et en Angleterre ! Sans remonter aux époques dites de folie, aux paris où la vie des grands personnages, de Pitt, du roi même, celle d’un simple alderman, où la nomination de Wilkes et la durée de son emprisonnement servaient d’enjeu, on dresserait le plus curieux tableau de mœurs avec la nomenclature actuelle des sociétés d’assurances. Depuis les veuves écossaises, les clergymen, les ouvriers mineurs, les orphelins, jusqu’à la garantie de la probité des employés et de la fidélité des femmes, etc., l’assurance a embrassé toutes les hypothèses, tous les états, tous les individus, même ceux qui se trouvent pour ainsi dire hors la loi, c’est-à-dire les malades et les incurables. En payant le prix demandé régulièrement à des personnes plus âgées qu’eux, ces déshérités de l’assurance peuvent utiliser au profit de leur famille une mauvaise santé qui trompe souvent tous les calculs grâce aux merveilles de l’hygiène. La variété de tant d’institutions destinées à parer aux accidens, en particulier la Railroad accidental assurance company, à laquelle toutes les gares de chemins de fer sont ouvertes, et dont on prend le billet de garantie en même temps que le ticket pour la place en wagon, montrent à quel degré l’habitude de la prévoyance contre le hasard est parvenue dans un pays où les commandites, les prêts commerciaux, le mariage lui-même, sont universellement garantis par une assurance en cas de décès. En Amérique, les accidental assurances ; ont surgi à la fois de tous les côtés ; enfin notre propre exemple prouve surabondamment la corrélation du progrès industriel