Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 67.djvu/569

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

emploi qu’il fît de ses épargnes. L’excellente gestion de nos grandes compagnies pour leurs propres capitaux est un sûr garant de ce qu’elles sauraient faire, avec un peu de bonne volonté et de désintéressement, pour ces caisses d’épargnes à retraits différés. L’œuvre mériterait certainement d’être tentée, et nous la croyons conforme à l’un des plus enracinés, des plus vieux instincts de notre pays, où l’esprit d’antique économie se maintient toujours vivace, où la tirelire, ce touchant symbole de l’amour paternel, n’a pas cessé d’être populaire.

Les assurances en cas de vie n’ont pas pour unique objet la constitution d’une rente viagère sur une seule tête : elles peuvent être reportées d’une sur plusieurs, momentanées et cessant après un certain temps, différées et reculées à un délai plus ou moins long, servies même après le décès du souscripteur au profit d’un tiers, etc. Il ne servirait à rien de s’étendre sur ces formes multiples d’une opération financière qui dans ses caractères généraux n’est pas plus répréhensible que tout autre acte d’intérêt personnel, mais qui par cela même se comprend sans qu’il soit nécessaire d’en développer les avantages, et à laquelle on ne doit ni encouragemens ni éloges. La rente viagère, outre qu’elle est un souvenir romain, nous est arrivée comme un legs du moyen âge religieux, alors que le droit canon, prohibant le prêt à intérêt, autorisait au contraire le placement dit à fonds perdu. C’est une combinaison qui semble plus particulière aux races latines ; elle n’a jamais pris qu’une médiocre faveur chez les Anglo-Saxons, dont l’esprit plus pratique, les préoccupations de famille plus vives admettent de préférence les combinaisons destinées à créer des capitaux dans l’avenir. Chez nous aussi, la rente viagère perd du terrain : sauf pour les retraites des ouvriers et des vieillards, elle ne présente guère d’avantage sur l’emploi qu’un homme intelligent, quel que soit son âge, peut faire de son argent. Les compagnies françaises, du moins les plus anciennes et par conséquent les plus solides, assurent en général une rente viagère à 41 ans de 6 fr. 59 c. pour 100 fr., à 50 ans de 7 fr. 81 c, à 60 ans de 9 fr. 86 c, à 70 ans de 12 fr. 32 c. Par le temps qui court, les affaires industrielles et commerciales, même sans qu’on y participe activement, rapportent en moyenne tout autant.

Quoi qu’il en soit, fructueuses ou non pour les compagnies comme pour les rentiers, ces opérations, si elles ne semblent plus appelées à un très grand avenir, ne sont pas cependant de nature à disparaître. Elles répondent à des besoins particuliers, réels et quelquefois respectables. Il n’y a plus même sous ce rapport rien à apprendre au public, qui sait à merveille ce qu’elles valent et ce qu’il veut, et il n’est pas bien opportun de lui indiquer par une comparaison entre les tables de Deparcieux et les tables étrangères,