Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 67.djvu/566

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

permit de calculer les primes qu’il fallait payer pour garantir les sociétés d’assurances contre le risque d’un service trop prolongé de rentes viagères, comme aussi d’établir pour l’assuré la quotité de la rente viagère à recevoir en échange. Depuis Deparcieux, la moyenne de la vie a augmenté en France : elle s’est élevée de 29 ans en 1789 à 32 ans en 1817 et à 37, 50 en 1860. Cependant on ne saurait dire que les limites de la vie se soient reculées, — il n’y a pas plus d’octogénaires ; — mais on vit mieux dans ces limites, elles-mêmes, les enfans meurent moins jeunes[1], et les vieillards sont mieux conservés : de là l’extension, de la vie moyenne. Aussi, tandis que la liquidation des rentes viagères par la caisse des retraites de l’état de 1850 à 1863 ne donne guère de différence avec les calculs de Deparcieux, les compagnies particulières commencent à invoquer le prolongement de la vie moyenne pour démontrer l’insuffisance de cette table. Elles disent que, si l’état n’a rien perdu par la constitution des rentes viagères, cela tient à la nature de sa clientèle, ouvrière tout d’abord, alors que le maximum des retraites ne dépassait pas 600 francs, et qu’il n’en saurait être de même depuis que l’élévation à 1, 500 francs attire des rentiers plus paisibles et moins exposés aux accidens. Elles cherchent donc à introduire dans leurs contrats des clauses particulières pour hausser leurs tarifs. Il faut dire que les assurances de rentes viagères, soit par le fait de la concurrence de l’état, soit par tout autre motif, ne se développent plus comme par le passé. Autrefois elles prédominaient à peu près exclusivement, aujourd’hui c’est le tour des assurances en cas de mort. Les grandes compagnies, la Générale et la Nationale par exemple, prétendent que le service des rentes viagères les met en perte. Quelques écrivains spéciaux peuvent bien encore soutenir que, pour établir sur des bases inébranlables le crédit d’une société privée, il faut faire marcher de pair les deux sortes d’assurances, celles en cas de vie et celles en cas de mort, afin que les risques s’équilibrent : on comprend en effet que dans les cas les plus graves, soit une épidémie, le nombre diminué des rentes viagères à servir compense le total accru des capitaux à payer après décès ; mais, contrairement à cette théorie, les directeurs des établissemens dont il s’agit maintiennent que les opérations de rentes viagères leur procurent principalement des facilités de trésorerie, l’encaissement des annuités pour assurer de nouvelles rentes donnant le moyen de payer les capitaux échus sans toucher aux valeurs de garantie, et

  1. Malgré des détails récemment donnés sur la grande mortalité des enfans de la première année en France, une certaine amélioration a été déjà obtenue. Voyez à ce sujet notre travail sur les Enfans assistés en France, Revue du 1er novembre 1864.