Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 67.djvu/561

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dépôts et consignations, et par la lenteur que ces opérations ont mise à se développer. De 1860 à 1865, la caisse des retraites n’a réuni que 240,000 déposans, elle ne sert que 25,000 rentes viagères, et les capitaux reçus ne dépassent pas 95 millions. Il faut dire aussi que le plus grand nombre de ces rentes sont des rentes différées, dont l’échéance n’aura lieu que dans un délai encore assez éloigné. Les résultats ne peuvent donc être appréciés dès à présent. En outre la clientèle de la caisse, dans les premières années, ne s’étendait pas encore, comme elle pourra le faire de plus en plus, à cette classe des petits rentiers économes, prudens, appelés à vivre plus longtemps que les ouvriers.

Dans l’intérêt particulier de ceux-ci, une autre institution d’assurances en cas de vie est en voie de formation. L’empereur, par sa lettre du 28 juillet 1866 au ministre d’état, a recommandé l’établissement d’une caisse des invalides du travail, destinée à garantir aux ouvriers invalides ou à leurs veuves des pensions de retraite non plus après un certain délai, mais à l’occasion d’un accident. L’état viendrait en aide aux cotisations individuelles par la subvention fixe de 1 pour 100 sur l’ensemble des grands travaux publics entrepris par l’état, les départemens et les communes. Les grandes compagnies financières sont aussi invitées à subvenir à l’accroissement de ce fonds commun. Déjà l’industrie privée s’était préoccupée de garantir les ouvriers contre les risques que leur profession leur fait courir, et sans parler encore de toutes les combinaisons adoptées principalement en Angleterre et aux États-Unis pour créer des assurances contre les accidens de tout genre, opérations qui semblent plutôt rentrer dans la catégorie des assurances en cas de mort, nous pourrions citer en France la compagnie de la Sécurité générale, qui se propose de garantir non-seulement les ouvriers contre les accidens professionnels, mais les patrons contre le recours des ouvriers en pareil cas. Quoi qu’il en soit de ces essais encore récens d’opérations à coup sûr recommandables, l’état n’assume pas, en s’y associant, une tâche hors de ses attributions, et ce n’est pas à ce point de vue qu’on peut faire une réserve. Peut-être y aurait-il lieu seulement de regretter que l’attention du pouvoir central se soit portée de préférence sur les assurances viagères, qui profitent à peu près exclusivement au déposant seul. Le discrédit où sont tombées les caisses d’épargne n’est que trop fâcheux ; il ne faudrait pas avoir à déplorer encore que les nouveaux efforts de la prévoyance personnelle prissent de plus en plus le caractère d’une spéculation égoïste, contraire aux intérêts des femmes et des enfans. Le nombre est bien grand de ceux qu’effraie l’éloignement chaque jour plus marqué des ouvriers pour les devoirs du ménage et de la paternité : la statistique offre à ce sujet des leçons cruelles. Si la