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plexités. Il en est comme hors de lui; il ne se tient plus, et puisque tous ses collègues du sacré-collège ont été consultés, il veut, lui aussi, donner son avis, dire non pas seulement ce qu’il sait, mais ce qu’il entend de ses propres oreilles et ce qu’il voit de ses propres yeux.

« Est-il humainement possible, écrit-il avec douleur, de penser encore à un refus, quand leurs majestés impériales ont considéré la venue de sa sainteté comme certaine, et que cette conviction a été partagée par le ministère, par le public et propagée par les journaux? » L’idée du couronnement à faire à Paris par les mains du pape est une idée qui appartient uniquement à l’empereur lui-même. A s’en rapporter au pieux légat, ce ne serait pas l’ambition qui la lui aurait inspirée; loin de là. « C’est un sentiment de reconnaissance envers la majorité de la nation, il osera même dire de gratitude particulière à l’égard des ecclésiastiques français, lesquels ont manifesté la joie la plus vive de ce qu’il a échappé à l’attentat dirigé contre sa personne et de ce qu’il a été élevé au rang impérial. » Il fait ressortir comme une raison déterminante combien les protestans et les philosophes verront avec désagrément une cérémonie qu’ils traitent d’arriérée et d’illégale. Quant à la formule qui a excité les scrupules de sa sainteté, il paraît ne pas y attacher autrement d’importance; ce sont des expressions consacrées en France, et qui ne signifient pas ce que l’on suppose à Rome[1]. »

Bien autre restait toujours l’impression du cardinal Consalvi. La formule du serment ne lui parut nullement indifférente. « Elle est telle qu’un catholique ne doit pas la prêter, et qu’un pape ne saurait l’autoriser par sa présence. Il est de l’essence de la religion catholique d’être intolérante. Il ne faut pas se bercer de l’espoir de tourner cette difficulté du serment en présence du pape. Pie VII ne s’y prêtera pas. Il a déclaré au cardinal Fesch que, si on l’essayait, il n’hésiterait pas à se lever de son siège et à sortir de l’église à l’instant même, et quoi qu’il en pût arriver, » Les choses en restèrent là longtemps, et cette réponse que l’on espérait si prompte se fit attendre pendant plusieurs mois encore. Les cardinaux, consultés d’abord au nombre de dix, sous le sceau de la confession, s’étaient partagés par moitié. Il fallut en appeler vingt autres. La négociation, sur les conseils de l’abbé Bernier, fut remise tout entière à Rome même aux mains du cardinal Fesch, qui ne manqua pas d’y employer toute l’ardeur de son zèle et l’impétuosité de son caractère; mais l’usage qu’il fit de ses pleins pou-

  1. Le cardinal Caprara au cardinal Consalvi, 29 juin.