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dureté. Milo a donc possédé autrefois des geysers comme ceux qui existent encore aujourd’hui en Islande, car ces phénomènes sont exactement ceux qui se produisent dans les environs de l’Hécla. À Kalamo, une gerbe d’eau bouillante jaillissait du sol, et cette eau abandonnait en retombant un dépôt qui forme aujourd’hui une crête élevée à la partie culminante du mont. La roche siliceuse ainsi formée est employée, à cause de la grande dureté et de la structure aréolaire qu’elle présente, à la fabrication des meules, aussi lui donne-t-on le nom de meulière comme à une pierre des environs de Paris qui offre les mêmes propriétés, la même composition, et qui est employée aux mêmes usages.

Pendant que l’eau chargée de silice sortait ainsi à flots par les fentes du terrain et déposait de puissans amas gélatineux, elle imbibait aussi le trachyte, et y abandonnait sous la forme de petits grains vitreux la matière qu’elle tenait en dissolution. Or cette matière, l’eau l’avait empruntée dans les profondeurs du sol au trachyte lui-même ; elle a donc ainsi servi de véhicule à la silice qu’elle a transportée jusqu’à la surface, appauvrissant les masses trachytiques inférieures et enrichissant celles qui avaient été antérieurement rejetées au dehors et s’y étaient solidifiées[1].

Non loin de là, des dégagemens d’acide carbonique, évidemment d’origine ignée, sont accompagnés d’un suintement d’eaux salées et froides qui ont formé des marais délétères, et ont suffi pour imprimer à la région qui en est le siège un caractère de désolation vraiment saisissant. Au fond de la rade de Milo s’étend une plaine marécageuse où il est impossible de passer la nuit sans être atteint des fièvres intermittentes. Dans la partie la plus rapprochée des montagnes, qui est extrêmement fertile, on voit les ruines d’une grande ville, Zéphyria, qui a été autrefois très florissante. Il y a trois cents ans on y comptait, dit-on, quarante mille habitans. On y voyait trente-huit églises grecques ou catholiques, un grand nombre de monastères et beaucoup de demeures particulières somptueuses. Depuis lors, peu à peu les fièvres paludéennes ont décimé la population, et les maisons sont devenues désertes sans que les habitans aient songé à quitter cette localité malsaine, ou à entreprendre quelque travail d’art pour faire cesser le fléau. Il y a vingt ans, il s’y trouvait encore environ deux cents habitans qui tous, languissans et malades, y vivaient misérablement. Leur situation éveilla l’attention du gouvernement grec, qui fit tous les efforts possibles pour les arracher à une mort certaine ; mais ce fut en vain qu’on leur offrit des

  1. Ces remarquables phénomènes ont été reproduits artificiellement dans le laboratoire. En chauffant à la température du rouge sombre des tubes de verre contenant de l’eau et placés dans des canons de fusil hermétiquement fermés, on trouve qu’au bout d’un certain temps l’eau enlève une partie de la silice qui entrait dans la composition du verre, et l’abandonne ensuite sous forme de petits cristaux. L’expérience réussit de même quand on fait agir l’eau surchauffée sur de l’obsidienne. (Expériences de M. Daubrée.)