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plus en plus profond, tandis que ceux de Grèce semblent toujours puiser leurs laves dans le même réservoir ?

Après Santorin, l’endroit de l’archipel le plus remarquable au point de vue des phénomènes volcaniques est certainement l’île de Milo. Des éruptions anté-historiques y ont rejeté des flots, de matière fondue qui s’y sont solidifiés et y forment aujourd’hui de hautes collines. Depuis cette époque jusqu’à nos jours, sans aucune interruption, le sol y a été constamment traversé par des gaz et des vapeurs de nature diverse. Le soufre, l’alun, le gypse engendrés par ces émanations s’y rencontrent en dépôts abondans, et y constituent encore, comme au temps des anciens Grecs, une importante source de richesse.

La forme générale de l’île de Milo est celle d’un fer à cheval. Les deux extrémités recourbées se rapprochent l’une de l’autre et se dirigent également vers le nord. L’une de ces deux pointes, celle qui est le plus à l’est, est surmontée par une éminence qui porte la ville moderne, et au sommet de laquelle s’élève un ancien château vénitien nommé Kastron. Du haut de cette antique forteresse, on découvre l’île presque tout entière avec sa ceinture de montagnes volcaniques et la magnifique baie qui y forme une large et profonde échancrure. Le plan de Santorin et celui de Milo se ressemblent beaucoup, et cependant le relief de ces deux îles est très différent. Dans la première, le sol est taillé à pic vers l’intérieur de la baie et descend en pente douce de l’autre côté ; dans la seconde, on observe justement l’inverse, les escarpemens rapides sont sur le contour extérieur de l’île, et la baie, d’oui la profondeur va en augmentant peu à peu des bords au centre, est entourée presque partout d’un rivage très doucement incliné. Tandis que la rade de Santorin forme une sorte d’abîme sans fond où il est impossible de jeter l’ancre, si ce n’est en quelques points très limités, celle de Milo constitue un excellent lieu de mouillage pour les navires ; une flotte entière pourrait y stationner. C’est un des points de la Méditerranée où les-bâtimens de guerre viennent relâcher de préférence.

Le Kastron est une réunion de maisons entassées les unes sur les autres et appuyées sur un épais mur d’enceinte. Des ruelles tortueuses circulent au milieu des habitations à moitié ruinées. C’est là qu’on se réfugiait autrefois à chaque incursion des pirates. La roche qui forme l’éminence est une lave trachytique semblable à celle de Méthana. Elle doit son origine à rémission en ce point d’un énorme jet de matière ignée sorti des entrailles de la terre à l’état de demi-fusion, et qui, au lieu de s’étendre en nappes horizontales, s’est élevé sous l’apparence d’un amas conique, et a conservé cette forme après entière solidification. À l’époque où le dépôt du terrain tertiaire pliocène se faisait au fond des mers, cette butte, alors d’origine toute récente, constituait une île ; des huîtres et d’autres mollusques venaient se fixer contre les rochers à peine refroidis, et y vivaient malgré les émanations acides qui se produisaient sans cesse à peu de distance. Plus