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cieux cocotier, dont on estime que l’île renferme 20 millions de pieds. Quoiqu’il ne figure sur la liste des produits coloniaux que bien après le café, il n’en donne pas moins lieu à une exportation d’huile qui a décuplé en quinze ans, et qui s’est élevée à plus de 5 millions de francs en 1857. Il est d’ailleurs, grâce à la variété des usages auxquels on l’emploie, la providence des indigènes, qui lui témoignent leur reconnaissance par un attachement dont l’expression superstitieuse a quelque chose de touchant : selon eux en effet, l’arbre languit et meurt hors de portée de la voix humaine, et jamais il ne survit à l’éloignement du maître à qui il donnait ses fruits.

L’histoire des budgets de Ceylan est instructive, surtout pour les nations qui comme la nôtre ne savent pas attendre, et qui ne voient dans une colonie qu’une ferme destinée à rapporter dès le lendemain de l’entrée en possession. L’administration de cette île fortunée encaisse aujourd’hui pour 25 millions de recettes par an (23,819,750 francs en 1863), et elle n’en dépense que 18 ou 19, dont une bonne partie en travaux publics comprenant un chemin de fer déjà fort avancé entre Kandy et Colombo. Ce sont là des chiffres de nature à faire rêver bien des gouverneurs de colonies ; mais il ne faut pas oublier qu’en 1828, c’est-à-dire dans les premières années de cette merveilleuse culture du café, le revenu n’était que de 8 millions, qu’il ne balançait point les dépenses, et qu’il se maintint dans des alternatives de plus et de moins entre le doit et l’avoir jusqu’en 1852, époque à laquelle il entra définitivement dans une voie d’excédans réguliers. Pour en arriver là, bien des tâtonnemens furent nécessaires. C’est ainsi que l’on avait d’abord modelé l’administration de Ceylan sur celle de l’Inde, sans s’inquiéter de la disproportion des deux pays, ce qui avait donné un résultat assez semblable à ces chênes lilliputiens que les Chinois élèvent avec amour dans des pots à fleurs, et qui ont tous les caractères du roi des forêts, hormis la force. Les réformes vinrent en leur lieu, et ce que l’on ne saurait signaler trop hautement, c’est que pendant cette longue période d’attente non-seulement le gouvernement anglais ne perdit jamais courage, mais jamais non plus il n’eut à lutter contre les manifestations hostiles de l’opinion ; jamais une voix ne s’éleva pour réclamer l’abandon de la colonie, sous le prétexte que les recettes ne couvraient pas les dépenses. L’accord était parfait, car chacun comprenait qu’il faut semer pour recueillir. Dois-je le dire ? le tableau de ce beau développement, si sagement préparé et amené de si loin, reporte involontairement ma pensée vers notre pauvre Cochinchine que je viens de quitter. À quelles attaques perpétuelles n’est-elle pas en