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trouvent leur chant, le monde mystérieux des insectes sort de ses retraites, d’innombrables larves de papillons se montrent sur les feuilles, et partout se traduit en mille signes divers le fécond réveil de la nature. On dirait qu’elle s’était repliée sur elle-même, afin de concentrer toute sa vitalité dans ce puissant effort. C’est à cette époque qu’il faut parcourir la route enchanteresse qui longe le rivage de Pointe-de-Galle à Colombo, la capitale; c’est alors que l’on comprend l’exclamation enthousiaste du prince Soltykof, qui voyait dans Ceylan le plus merveilleux des jardins botaniques. La colonie est redevable à l’administration anglaise de cette route, comme aussi de toutes les autres voies de communication qui sillonnent le pays. L’insuffisance des sentiers dont se contentaient les Hollandais était telle que le gouverneur ne pouvait alors se mettre en marche pour le moindre déplacement sans se faire escorter de 400 coulies pour les bagages, de 160 porteurs de palanquins et de 50 lascars pour les tentes, indépendamment des chevaux et des éléphans. Aujourd’hui une route de 769 milles permet de faire le tour de l’île en voiture. Semblable à une allée de parc entre Galle et Colombo, sur une ligne non interrompue de 70 milles, elle est bordée d’une double rangée de palmiers reliés entre eux par un rideau d’orchidées et de plantes grimpantes. A sa droite, le voyageur aperçoit le massif central des montagnes de Kandy, et à sa gauche la mer constamment animée par les mouvemens de ces barques de pêcheurs de construction si originale que l’on nomme catimarons. Les villages sont entourés de bouquets de cocotiers et d’aréquiers. A mesure que l’on approche de la capitale, aux anciennes villas hollandaises succèdent des habitations plus modernes; on arrive enfin au charmant hameau de Colpetty, abrité sous un dôme de tamariniers gigantesques, après quoi l’on ne tarde pas à déboucher devant le front bastionné de la ville, sur la plaine du Galle-Faas, toute couverte d’un épais tapis de convolvulus aux fleurs d’un rouge éclatant.

Ni Galle ni Colombo n’ont un caractère d’originalité remarquable. Des fortifications bien conservées, construites au XVIIe siècle sur des plans envoyés par Cohorn, à l’intérieur quelques églises de la même époque, des rues spacieuses, bordées d’hibiscus centenaires, les classiques maisons à un étage des pays chauds, avec verandahs et portiques à colonnes, tel est l’aspect général des deux villes, dont la seconde est beaucoup plus importante que la première. La grande séduction de Ceylan pour l’étranger, c’est la nature qui l’offre, non pas tant sur le littoral, où elle est domptée et féconde, que dans les forêts primitives, où on l’admire encore à l’état vierge. Rien n’est beau comme ces immenses nappes de verdure, lorsque de la crête d’un morne on les voit se dérouler en molles ondulations à perte