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positive : donc elle n’est rien. Mais si par hasard ils se trompaient : si les différences essentielles entre la matière et l’esprit n’étaient que des différences de forme et que le fond fût le même; si les élémens constitutifs des corps, en dépit de toutes les apparences, n’étaient que des choses simples, indivisibles, inétendues et actives, de même que l’intime fond de l’âme n’est qu’une substance active, une force, une énergie purement simple; si enfin, tandis que l’âme est une seule force simple et active, les corps étaient des groupes de forces simples et actives, la contradiction n’existerait plus; l’antinomie serait résolue. Les deux partis auraient trouvé un terrain commun où ils pourraient commencer à s’expliquer et à s’entendre. Le spiritualisme aurait l’espoir d’attirer à lui peu à peu son adversaire, et, comme on dit en politique, d’absorber l’opposition.

C’est à établir démonstrativement ces profondes analogies entre la constitution intime des corps et la substance de l’esprit que travaillent quelques jeunes métaphysiciens. Non point qu’ils se proposent de ramener l’esprit à la matière : interpréter ainsi leur dessein, ce serait le comprendre à rebours. Ce qu’ils cherchent, ce sont plutôt les traits de ressemblance que la matière peut avoir avec l’esprit. — En conséquence ils soutiennent que l’élément dernier de la matière est toujours la force active, simple et indivisible comme l’âme elle-même, et qu’en second lieu les propriétés de la matière ne sont que des manifestations de la force active et simple. Ils prouvent de la sorte que, si le physicien comprend quelque chose à l’idée de la matière, c’est précisément grâce à l’idée de l’âme, dont pourtant il se vante de n’avoir que faire.

Sur le premier point, la physique moderne parle catégoriquement le même langage qu’eux. On a vu précédemment qu’aux yeux de M. Laugel il n’y a dans toute la nature que des forces et des formes. « Partout, en tout temps, dit-il, l’atome, possédé d’une infatigable énergie, se balance, ondule, voltige, vibre, qu’il soit logé dans les corps ou perdu dans les espaces éthérés qui séparent les astres. C’est la monade traversée par un (lux éternel de mouvement qui, à chaque instant, subit l’action de l’univers et la renvoie à l’univers. Qu’on nous montre un point dans le monde où n’arrive aucun rayon lumineux, où s’éteignent les regrets de tous les soleils, où toute chaleur soit anéantie, où tout mouvement expire... Dans le vide barométrique, il n’y a plus d’air, mais il reste encore quelque chose. Cet inconnu, dont la masse est si faible que nous sommes obligés de le nommer impondérable, est pourtant animé encore par une part si faible qu’elle soit de l’énergie universelle. » Les remarquables travaux de M. Edgar Saveney récemment publiés par la