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Logique, elle passe de l’état d’être indéterminé à l’état d’idée concrète; dans la Philosophie de la Nature, Dieu ou l’idée divine se réalise sous les formes variées et de plus en plus parfaites de la création visible; enfin, dans la Philosophie de l’Esprit, l’idée divine, qui était sortie d’elle-même pour se réaliser dans le monde, revient à soi et prend conscience d’elle-même dans la conscience de l’homme, dont l’esprit est la forme dernière de l’idée et le terme du développement de Dieu. On voit par cette brève esquisse que la doctrine totale n’est que la série des transformations successives d’un seul et même principe se reflétant exactement dans une série pareille d’opérations de notre esprit, en sorte que la dialectique de la pensée se confond absolument avec la vie de Dieu ou de l’idée.

On n’a pas la prétention d’apprendre au lecteur ces traits essentiels de la philosophie hégélienne, qui lui sont depuis longtemps connus. Il était toutefois utile de les rappeler afin de montrer que la théorie de la nature y est la conséquence de la théorie logique de l’idée, et que les objections si graves qui ont été élevées contre l’une se dressent aussi sérieuses et aussi difficiles à résoudre à l’encontre de l’autre. Semblables à ces fleuves qui charrient tout le long de leur cours et portent jusqu’à la mer le limon dont ils se sont chargés à leur source, les systèmes dont les parties fortement enchaînées ne sont que les déductions d’une conception première et unique gardent la marque de l’erreur d’où ils sont sortis et la transmettent à leurs conclusions les plus éloignées, ou bien, si les erreurs inhérentes à telle doctrine y sont rachetées et compensées par de belles vérités, c’est que celles-ci ont en quelque sorte forcé les portes et ont pénétré dans la place, non point sous la conduite du premier principe invoqué par l’auteur, mais malgré ce principe et contre lui. Les représentans actuels de l’école hégélienne invoquent en faveur du système les aperçus ingénieux, les vues fécondes, les applications heureuses qui brillent en cent endroits comme d’éclatans témoignages de la vigueur d’esprit, de la puissance d’invention, et, pour dire le mot que nous prononçons sans effort, du génie du maître. Ces mérites ne sont nullement en question, et l’on se sent d’autant plus disposé à les proclamer que l’ingrate Allemagne semble les oublier ou les méconnaître davantage. D’ailleurs, si le danger est grand quelque part aujourd’hui pour les doctrines qui nous tiennent au cœur, ce n’est pas de ce côté de l’horizon, où s’est couché, quoiqu’il y jette encore quelques derniers rayons, l’astre de la philosophie du devenir. Dès à présent Hegel appartient à l’histoire : on peut le juger sans avoir, même malgré soi, l’attitude d’un ennemi, on peut le réfuter sans avoir l’air de poursuivre et de vouloir anéantir un adversaire. Nous nous