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stare, status, station, et dans tous ceux qui en dérivent. L’autre élément des mots s’ajoute à la racine, il varie selon l’idée accessoire ou la modification que l’on veut ajouter à la notion fondamentale; il renferme une ou plusieurs syllabes, constitue la terminaison des mots, et subit tous les changemens exigés par la déclinaison pour les noms et par la conjugaison pour les verbes. Il est mobile, et comme c’est lui qui donne aux mots leur forme grammaticale, on peut dire qu’il en est l’élément formel. Ce sont par exemple les désinences e, es, e, ons, ez, ent, dans le présent du verbe j’aime. L’analyse a prouvé que, quel que soit le mot que l’on envisage dans une langue donnée, les élémens qui le constituent rentrent dans l’une ou l’autre de ces deux catégories; mais quand on en est venu à comparer de ce seul point de vue les langues entre elles et à les classer d’après le rôle qu’y jouent ces deux élémens constitutifs, on a reconnu qu’elles se divisent en deux grandes classes profondément différentes l’une de l’autre. Dans les langues telles que le latin, l’hébreu, le sanscrit, la partie formelle est unie de la manière la plus étroite au monosyllabe radical, et forme avec lui un tout organique, une sorte d’unité vivante et individuelle. Cette union est si complète que souvent les élémens juxtaposés sont au premier abord indiscernables, et pour peu qu’il s’agisse d’un idiome moderne dérivé d’une langue ancienne, l’un et l’autre semblent quelquefois avoir entièrement disparu : tels sont par exemple les mots français fée, porche, mieux, qui viennent de fatum, porticus, melius. Les changemens que subissent les terminaisons quand on passe d’un cas à un autre, ou quand on change la personne, le nombre, le temps, le mode ou la voix dans un verbe, ont fait donner aux langues de cette catégorie le nom de langues à flexions. Cette première classe comprend toutes les langues de la famille aryenne et celles de la famille sémitique dont les principales sont l’hébreu, l’arabe et le chaldéen. A. mesure que l’on remonte d’une langue plus moderne vers une langue plus ancienne, on voit les élémens qui s’étaient confondus reparaître avec leur forme complète, et il devient dès lors possible de les analyser. La seconde catégorie se compose principalement des langues appelées touraniennes; les peuples qui les parlent occupent une grande partie de l’ancien continent, soit au nord soit au sud, depuis le Japon jusqu’en Hongrie et depuis les îles du Pacifique jusqu’au pays des Lapons. Les dialectes qu’elles comprennent sont en très grand nombre et varient d’une peuplade à l’autre; souvent chacun d’eux n’est compris que de quelques milliers d’hommes; quelques-uns seulement sont parlés par de nombreuses populations. Tels sont par exemple le hongrois, le turc, le tamoul, le tibétain, le chinois. Ce qui caractérise tous ces idiomes, c’est l’invariabilité des élémens