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dant la descente ou qu’un dérangement quelconque entrave le jeu des machines, rendent l’existence du mineur aussi périlleuse que celle du marin ou celle du soldat en temps de guerre. Les accidens des houillères frappent en moyenne chaque année deux ouvriers sur cent, et, le chiffre des morts étant un cinquième de celui des blessés, on peut compter deux morts pour cinq cents ouvriers ou quatre pour mille. Les Anglais, qui aiment à se rendre compte du prix de toute chose, ont calculé que cent mille tonnes de charbon coûtent toujours la vie d’un ouvrier. Le royaume-uni produit actuellement 100 millions de tonnes de combustible par an; c’est mille ouvriers de tués. On a imaginé une foule d’appareils et de systèmes pour obvier aux dangers de la vie souterraine, mais l’imprévoyance et la fatalité feront toujours la part de l’abîme. Aux lampes de sûreté de Davy, qui commencent à être remplacées par les lampes photo-électriques, et aux appareils de sauvetage de Rouquayrol et de Galibert M. Simonin aurait pu ajouter l’indicateur du grisou de M. Ansell, qui est fondé sur la diffusion des gaz.

On trouve encore dans l’ouvrage de M, Simonin de curieux détails sur les mœurs et coutumes des mineurs dans les différens pays, leur état moral et social, leur hygiène et leurs goûts. L’auteur les a vus chez eux et en parle en homme qui a vécu avec eux côte à côte, en Europe et en Amérique; c’est là ce qui le distingue de la tourbe des compilateurs. On lira toujours avec fruit un livre qui a pour base l’observation et l’expérience personnelle de l’auteur, quand même on ne voudrait pas souscrire à tous ses jugemens, ni accepter toutes ses déductions; l’essentiel est qu’on peut supposer qu’il sait ce qu’il dit, et qu’il ne prend pas le Pirée pour un homme. Aussi devra-t-on compter à M. Simonin comme un titre sérieux les études spéciales qui l’autorisent à écrire sur le sujet qu’il a choisi, et cette considération suffira pour faire ranger son livre parmi les ouvrages véritablement populaires, malgré quelques imperfections de détail et le manque de concision du style.

Nous ne quitterons pas ce sujet sans dire un mot de l’avenir de la houille. Les bassins carbonifères que l’on connaît jusqu’à ce jour représentent une superficie totale de 25,000 lieues carrées, dont 20,000 appartiennent à l’Amérique du Nord. Les terrains de l’Amérique sont très riches et en grande partie encore vierges : c’est donc là qu’il faut chercher la réserve de l’avenir; mais pour combien de temps ces richesses du sol suffiront-elles encore à la consommation toujours croissante de l’industrie? En dressant les tableaux statistiques de la production houillère du globe, on constate qu’elle va presque partout en doublant à peu près tous les quinze ans; aux États-Unis, la progression est même beaucoup plus rapide, et rien n’annonce qu’elle doive se ralentir. En 1865, le royaume-uni jetait sur les marchés 100 millions de tonnes de charbon de terre; l’Amérique du Nord et la Prusse chacune 17 millions, la Belgique et la France chacune 12 mil-