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en froid avec la Sublime-Porte. Nous n’affirmerions point que l’Angleterre actuelle eût gardé sur la question orientale les opinions de lord Palmerston. Si le moment était venu, la Prusse ne manquerait point de seconder à Constantinople, on en peut être sûr, les intérêts et les vues de la Russie ; mais la Russie est douée d’une patience merveilleuse, elle n’a plus l’air de tenir à ce qui fut autrefois l’objet de ses plus téméraires convoitises. En voyant cette politique de la Russie, qui s’amuse à peine au badinage des intrigues byzantines, les Anglais aujourd’hui en viennent à se demander si en effet les Russes sont leurs ennemis en Orient. Quant à la France, quelle politique active pourrait-elle poursuivre envers l’empire ottoman ? Ce serait pour elle un autre guêpier. L’intérêt de la France est donc de maintenir le statu quo, vénérable formule latine que la diplomatie européenne ne peut plus trouver aujourd’hui l’occasion d’appliquer qu’à l’Orient.

En Autriche, on en est toujours au problème du nœud gordien, ou plutôt il s’agit ici de faire le nœud au lieu de le trancher. L’adresse de la diète hongroise ne sera point entièrement acceptée par l’empereur. Un rescrit impérial répondra à l’adresse diétale. À travers les lenteurs ordinaires qui accompagnent d’un côté les résistances légales, de l’autre la casuistique d’un despotisme affaibli, il se joue là un jeu terrible qui, si l’on n’y met une fin prompte par un accord raisonnable, enveloppera dans une même ruine l’Autriche et la Hongrie. Nous l’avons dit à maintes reprises, la Hongrie, avec les fragmens de nationalités diverses qu’elle embrasse sous la couronne de saint Etienne, est elle-même une autre Autriche ayant les mêmes complexités que l’empire central à débrouiller. Si la Hongrie ne se décide point à accorder des conditions de concours acceptables aux autres sections importantes de la monarchie autrichienne, elle rendra impossible la fédération de races qu’il faudrait maintenant établir sur le Danube. En empêchant la constitution d’une forte monarchie autrichienne, elle n’aura pas détourné l’ascendant de la race germanique, elle l’attirera au contraire sur elle sous la forme plus impérieuse encore et plus pesante de l’union allemande. Si on laissait échapper l’occasion actuelle, serait-il possible d’en retrouver une semblable ? Si le travail de dissolution continue dans l’empire autrichien, il ne servirait de rien de le masquer par un nouvel essai de centralisation artificielle : l’antagonisme des races achèverait rapidement son œuvre destructive, et livrerait les tribus divisées. Magyars, Slaves, Roumains, que le cours du Danube devrait si naturellement réunir, à la lourde domination de la Prusse et de la Russie.

Les choses prennent décidément en Italie un aspect favorable. Il est rarement donné de lire un document d’état d’un souffle aussi sain, d’une inspiration politique aussi vigoureuse, juste et habile que le discours prononcé par le roi Victor-Emmanuel à l’ouverture du parlement italien. Il y a pour la politique italienne des momens où elle réussit à définir avec un rare bonheur son œuvre et sa mission. Le ton du discours royal a été de