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peuvent, suivant la masse des roches écroulées, causer de grandes secousses ressenties en même temps sur de vastes étendues de pays. En effet certaines couches rocheuses laissent entre elles des intervalles très considérables, ainsi qu’il est facile de le voir par les larges issues des grottes de montagnes, et reposent en partie sur des substances plus ou moins faciles à dissoudre et à délayer par les eaux d’infiltration. Là où les vides offrent une telle étendue que les roches surincombantes, hautes parfois de plusieurs centaines ou même de milliers de mètres, ne peuvent plus se soutenir par leur propre cohésion, il faut nécessairement que la masse entière s’affaisse tôt ou tard sur les assises inférieures, et lorsque les roches écroulées ont des dimensions considérables, les ondulations du tremblement de terre se continuent à de très grandes distances autour de l’endroit où la catastrophe s’est produite.

La cause principale des secousses du sol dans les pays de montagnes est probablement l’action des sources. Pendant le cours des siècles, des strates entières, entraînées par l’eau qui les dissout, finissent par disparaître, et, sous une forme plus ou moins modifiée chimiquement, sont arrachées des profondeurs pour être distribuées à la surface du sol. D’après Ramsay et Lyell, les eaux thermales de Bath, qui sont loin d’être remarquables par la proportion de matières minérales qu’elles contiennent, entraînent annuellement hors de la terre une quantité de sulfates de chaux et de soude, de chlorure de sodium et de magnésium dont la masse cubique ne serait pas moindre de 423 mètres. On a aussi calculé qu’une seule des sources de Louèche, la source du Saint-Laurent, entraîne chaque année à millions de kilogrammes de gypse, soit environ 1,620 mètres cubes : c’est assez pour abaisser de plus de 16 décimètres en un siècle une couche de gypse d’un kilomètre carré; mais il ne s’agit là que d’une seule source et d’un siècle seulement. Si l’on pense aux milliers de fontaines minérales qui jaillissent du sol et à l’immensité des temps pendant lesquels l’eau s’est écoulée, on pourra se faire une idée de l’importance des transformations causées par les nappes jaillissantes. A la longue, elles abaissent la masse entière des montagnes, et par suite de ces tassemens de violentes oscillations de la terre doivent nécessairement avoir lieu.

Un fait très important paraît donner raison aux géologues qui voient dans la plupart des tremblemens de terre des phénomènes pour ainsi dire extérieurs causés par les pluies, les eaux d’infiltration et les sources; ce fait, constaté d’abord en 1834 par le professeur Merlan pour cent dix-huit secousses ressenties à Bâle et dans les contrées environnantes, est que les trépidations du sol sont beaucoup plus fréquentes en hiver qu’en été. Le résultat des recherches de Merlan, d’abord révoqué en doute, est désormais établi d’une manière indubitable par les recherches de MM. Alexis Perrey et Otto Volger. Seulement, à mesure que le catalogue des vibrations devient plus considérable, la différence entre le maximum d’hiver et le minimum d’été s’oblitère peu à peu, par la simple cause que dans les deux hé-