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globe ne seraient autre chose que le contre-coup des ondulations souterraines de cet enfer caché, les montagnes seraient les rides figées de cet océan de feu, et les grands géans placés au bord des mers, l’Etna, le pic de Teyde, le Mauna-Roa, témoigneraient par leurs éruptions de tempêtes grondant au-dessous de l’enveloppe solide. En effet, dans l’hypothèse, la moindre pression de la croûte extérieure des roches, la moindre rupture d’équilibre dans l’immensité de la mer en fusion, doivent nécessairement avoir pour résultat d’agiter ou même de briser la mince enveloppe : de là les tremblemens de terre et la formation des évens volcaniques. Cette théorie très simple s’est emparée fortement des esprits, non-seulement parce qu’elle permet d’expliquer certains faits de l’histoire de la terre, mais bien plus peut-être parce qu’elle continue les mythes de la fable grecque et les légendes hébraïques. Malgré lui, à son insu, le chercheur qui se pique le plus de rigueur scientifique n’échappe point aux idées qu’on lui enseigna dans son enfance, et tout naturellement il se plaît à retrouver dans ces abîmes du pyriphlégéthon les sombres royaumes de Pluton et les cercles infernaux de Dante.

L’aplatissement de la terre aux deux pôles et le renflement équatorial ont été présentés comme des témoignages irrécusables de l’état d’incandescence liquide dans lequel se serait autrefois trouvé le globe. En effet toute sphère liquide tournant autour de son axe prendra nécessairement cette forme, à cause de l’inégale vitesse des différens points de sa masse; mais on peut se demander si un globe, même solide, ne se renflerait pas aussi vers l’équateur en tournoyant sans repos pendant une série indéfinie de siècles, car il n’est pas une matière qui soit absolument inflexible, et sous les fortes pressions de nos laboratoires, infiniment inférieures en durée aux pressions des forces planétaires, tous les corps solides, comme le fer et l’acier, s’écoulent à la façon des liquides. D’ailleurs les observations et les calculs des astronomes et des géomètres les ont conduits à croire que l’aplatissement de la terre aux deux pôles éprouve certaines variations, et que par conséquent des lois autres que celles des mouvemens de rotation et de révolution contribueraient à modifier la forme de la planète. Probablement moindre au pôle boréal qu’au pôle austral, l’irrégularité de la sphère paraît être soumise à des changemens périodiques pendant le cours des âges, et se complique en outre de plusieurs autres irrégularités, turgescences ou dépressions, que les oscillations du pendule et les mesures d’arcs terrestres révèlent à la science. L’un des plus sérieux sujets d’étude qu’offre la géographie physique est précisément cette instabilité du sol qui, sur divers points de la surface du globe, se soulève ou s’affaisse avec une prodigieuse lenteur. Si la cause certaine de ces gonflemens et de ces dépressions nous est encore inconnue, du moins rien ne porte à croire qu’elles soient dues à la force centrifuge développée par la rotation de la terre.

Il ne faut pas oublier non plus que dans l’hypothèse admise par ceux qui croient au feu central, notre planète doit être considérée comme une