Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 67.djvu/223

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même pendant le cours de ce siècle. Que sont ces éruptions de l’Etna et de Néa-Kaméni comparées à l’explosion du volcan de Timboro, qui dans l’année 1815 disparut tout entier en cendres et en fumée, et de ses nuages de débris, représentant une masse triple du Mont-Blanc, changea sur un espace aussi grand que la France le jour en une nuit affreuse ? Qu’est la légère secousse qui vient de faire osciller les maisons de Paris rapprochée du tremblement de terre de Simoda, qui renversa, dit-on, plusieurs milliers d’édifices, ou de la catastrophe de Mendoza, qui fit périr une moitié des habitans de la ville ? Cependant les mouvemens récens de nos volcans d’Europe et la faible ondulation que nous venons d’éprouver en France ont frappé plus vivement les imaginations que ne l’eussent fait de grandes catastrophes lointaines, et l’attention publique s’est reportée sur ces étonnans phénomènes des vibrations terrestres. Aussi les ouvrages de vulgarisation scientifique traitant des volcans et des tremblemens de terre ne peuvent-ils manquer d’être bien accueillis, surtout lorsqu’ils sont rédigés avec conscience et talent, comme celui de M. Arnold Boscowitz.

Dans ce livre, qui d’ailleurs est édité avec un grand luxe, l’auteur décrit les principales contrées volcaniques de la terre et raconte en détail les prodigieux événemens qui s’y sont accomplis. On ne saurait s’étonner de cette large part faite aux récits et aux tableaux, car, parmi les grands spectacles de la terre, l’Etna, les volcans de Java, le Mauna-Roa, l’Orizaba, le Cotopaxi et tant d’autres puissantes montagnes de feu doivent être mis certainement au premier rang à cause de l’harmonie et de la splendeur de leurs formes, et leurs éruptions présentent l’intérêt le plus saisissant par tous les drames humains qui s’y rattachent. Quant à la partie théorique du livre de M. Boscowitz, elle est assez brève par la raison bien simple que les causes de ces phénomènes grandioses des volcans sont malheureusement encore inconnues. Néanmoins plusieurs hypothèses ont été proposées par les géologues et les physiciens, et, tout en gardant avec soin le doute scientifique dans une question que n’a point encore élucidée l’observation directe, on aimerait à connaître en détail les diverses théories et les objections qu’elles soulèvent. M. Boscowitz s’est borné, ce qui est déjà un grand service, à résumer pour les lecteurs français les travaux importans de Fuchs, de Kluge, d’Otto Volger, qui jusqu’à ce jour étaient restés presque ignorés en-deçà du Rhin.

Naguère on admettait comme presque incontestable l’existence d’un feu central ou « pyriphlégéthon, » c’était là le terme employé par les savans germaniques. D’après cette hypothèse, une ardente mer de laves bouillonnerait sous une mince écorce dont on évaluait l’épaisseur à 35 ou tout au plus à 50 kilomètres. Comparée au diamètre de la terre, qui est deux cent cinquante fois plus considérable, cette enveloppe ne serait donc qu’une pellicule ténue, une simple feuille posée sur une sphère liquide, et c’est là ce qui devrait contenir l’immense océan de feu, ayant, comme l’océan superficiel, ses courans, ses marées et peut-être ses orages. Les révolutions géologiques du