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Le vrai sens des mots et des choses une fois rétabli, le débat devient beaucoup plus intelligible ; mais la passion extraordinaire qu’il excite ne paraîtrait guère plus motivée, si l’on ne voyait si souvent les hommes s’entre-déchirer pour des fantômes. Il suffit en effet d’ouvrir les yeux pour reconnaître que l’objet même du débat, c’est-à-dire le pouvoir politique de la papauté, a depuis longtemps cessé d’exister. Il n’existe plus depuis le jour où le saint-siége n’a plus pu se passer d’un protecteur. Cette révolution n’est plus à faire, elle est faite… L’indépendance entendue dans le sens étroit et tout matériel que les partisans du pouvoir temporel donnent à ce mot est incompatible avec une protection. On n’est indépendant à ce point de vue qu’à la condition de se protéger soi-même. Du moment où il faut un protecteur, qu’importe que ce protecteur soit français, comme il l’est encore aujourd’hui, ou italien, comme il peut l’être demain ? Il n’y a plus qu’une indépendance possible, c’est l’indépendance morale. Voilà le grand fait qui domine désormais toute cette question. Ce fait ne date pas d’hier, il est le résultat du travail des siècles. Le monde a employé quinze cents ans à reviser la donation de Constantin ; ceux qui lui font un crime de l’avoir invalidée ne lui reprocheront pas dans tous les cas d’avoir agi à la légère. Il n’a manqué à leur égard ni d’impartialité ni de patience. Qu’ils prennent la peine d’étudier ce long procès instruit par l’histoire, et dont ils entendent aujourd’hui prononcer l’arrêt ! Ils y trouveront plus d’un enseignement qu’ils pourront mettre à profit. Ils assurent que les ravages causés par les inondations et les sauterelles africaines sont un avertissement pour nous ; cette chute immense que tant d’efforts réunis n’ont pu conjurer ne contiendrait-elle pas aussi quelque leçon pour eux ?

On se tromperait étrangement, si l’on supposait que ces réflexions nous sont inspirées par le plaisir des représailles. Le sentiment qui nous domine, c’est le regret de voir s’égarer dans la plus folle des entreprises un parti qui aurait pu être une force morale au moins relative au milieu de la dissolution qui nous menace, s’il avait mieux su comprendre sa tâche et ses devoirs. Ce parti aurait mieux à faire que de s’attaquer à des principes qui sont désormais au-dessus de ses atteintes. Lui qui est d’une clairvoyance si impitoyable pour les travers de ses adversaires, pourquoi ne s’appliquerait-il pas enfin à se réformer lui-même ? À la vérité il se prétend immuable ; mais son immuabilité a beaucoup varié dans le cours des siècles, elle peut varier encore. Qui sait ? peut-être est-il plus perfectible qu’il ne le suppose. Ne serait-il pas opportun d’essayer ? Il affecte de se croire sous le coup d’une persécution imminente de la part des libres penseurs. « On veut, dit M. Plantier, arracher à l’église son pain de chaque jour, on veut qu’elle n’ait pas un atome de