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s’abstiennent à son égard de toute démonstration hostile, mais on dirait parfois qu’ils ignorent jusqu’à son existence. Quelques-uns se piquent envers elle d’une impartialité qui les a plus d’une fois exposés au reproche de faiblesse. La plupart d’entre eux ne répondent que par le silence aux accusations envenimées qu’on dirige incessamment contre leurs personnes et leurs écrits. À lire par exemple les œuvres de ce grand et modeste savant qui se nomme M. Littré, qui se douterait que depuis plusieurs années M. l’évêque d’Orléans consacre assidûment ses veilles à le déchirer ? Qui se douterait que M. l’évêque d’Orléans, non content de combattre en les dénaturant, dans de nombreux volumes, les doctrines de cet écrivain, et ne pouvant appeler sur lui les sévérités du gouvernement, s’en est dédommagé en lui faisant fermer les portes de l’Académie ? Qui retrouverait la trace la plus fugitive de ces démêlés dans les œuvres de M. Littré ? Où surprendre dans ses sereines discussions l’ombre même d’un ressentiment ? Non, il habite un monde dans lequel le bruit de ces vaines agitations ne pénètre pas. Il n’est pas bien démontré qu’il connaisse l’existence de son pieux persécuteur ; en revanche, ce qui est parfaitement établi et certain, c’est qu’il ne lui en veut pas et ne peut pas lui en vouloir.

Quant à ceux qui ont plus ou moins touché aux questions religieuses de notre temps, avec quels ménagemens ne l’ont-ils pas fait ! C’est une manœuvre bien peu loyale que celle qui consiste à leur imputer les déclamations étourdies de quelques échappés de collége réunis en congrès. Jamais au contraire on ne fut plus indulgent envers des adversaires plus implacables, et c’est précisément cette modération qui les désespère. Nous pourrions en citer mille exemples, mais « passons, pour n’être pas infini, » comme dit M. Plantier. Le mouvement philosophique de notre temps n’a pas seulement sur ses ennemis l’avantage de l’élévation et de la dignité du langage, il a aussi celui de la constante justice de ses réclamations. Loin de chercher à leur rendre blessure pour blessure, il n’a jamais pris vis-à-vis d’eux qu’une attitude défensive. Si l’église était menacée dans ses légitimes conditions d’existence, il serait le premier à s’en plaindre. Cette équitable impartialité est tout ce qu’il lui doit, et il ne s’est pas départi de cette ligne de conduite. Il n’est sorti un instant de sa neutralité que contraint par la nécessité de se défendre contre les folies furieuses de la réaction catholique de 1852. Il n’est nullement hostile au sentiment religieux, il en respecte les droits et le domaine ; mais il prétend aux mêmes franchises pour lui-même. Il prétend aborder avec une pleine liberté la discussion de tous les systèmes métaphysiques ; il veut enfin être libre dans sa sphère comme le sentiment religieux doit l’être dans la sienne. Tel est le sens de toutes les doctrines philoso-