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digestes, écrits au jour le jour, sans plan, sans suite et sans idées ; il a dû tout son succès au scandale, aux personnalités, à une curiosité malsaine, à une satire dont la principale originalité consiste à assassiner les gens avec un couteau sacré ; mais, parmi les odeurs plus ou moins nauséabondes qu’il invite le public à y respirer, on découvre avant tout le parfum qui est propre au parti auquel appartient M. Veuillot ; cela suffit pour faire de ce livre un document curieux.

Il y a dans M. Veuillot deux visées bien distinctes : il aspire en même temps à la gloire du moraliste et au rôle du partisan religieux. Comme moraliste, il a adopté un procédé assez simple, mais assez peu varié : c’est l’injure. Lorsqu’il a bien insulté et vilipendé quelqu’un, il n’est pas éloigné de croire qu’il a beaucoup fait pour le convertir. Ce genre est un peu restreint et même à la longue assez ingrat ; cependant, tout bien considéré, il fait bien de s’y tenir, car chaque fois qu’il essaie d’en sortir, c’est pour tomber dans le genre ennuyeux, le pire de tous. Il s’est donc fait l’insulteur public, rôle vacant depuis les beaux jours de feu Proudhon, auquel M. Veuillot se désole si comiquement d’être comparé, et qui lui était infiniment supérieur dans cet emploi. Par ce temps de littérature faisandée, où le goût, la mesure, la dignité du langage et la justesse des pensées sont considérés comme d’absurdes billevesées, un tel parti pris était un élément de succès. À un public blasé et dépravé, fort indifférent au fond des choses, il faut avant tout de fortes épices et de gros mots. Il a été servi à souhait par M. Veuillot, et il a aussitôt adopté ce rival heureux de Mlle Thérésa. C’est ainsi que cet apôtre, sous prétexte de convertir le monde, s’est mis à jeter de la boue à tous ses contemporains grands et petits. « Comme ils tripotent la morale ! » s’écrie-t-il dans sa vertueuse indignation, « et quelle horrible fricassée du dictionnaire ! » car notre homme a la prétention d’être un grand styliste, et son livre sur les odeurs exhale une odeur de pédanterie qui n’est pas des plus plaisantes. Il profite de l’occasion pour se soulager d’un long arriéré de haine et de rancune. Venger à la fois Dieu, la morale et ses propres injures, quelle volupté ineffable ! Il prend aux cheveux les héros de la petite presse, accusant celui-ci « de soûler d’impiété quelques centaines de butors pour un gage de quinze pistoles, » prédisant à celui-là « que ses argumens seront effacés sous le crottin des chevaux de Mlle Zora. » Il en peint un autre mourant « enfoncé dans la pourriture du bel esprit, regrettant les joies de la luxure et de la ripaille jusque dans le cercueil. » Doué d’une imagination qui salit la laideur elle-même, il nous fait assister à tous les spectacles que lui offre Paris, depuis « le vomissement des orgies » jusqu’à « la romance tord-boyaux de Thérésa. » Il déguste en connaisseur toutes